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auteurs divers [FR]

Mathilde Villeuneuve
Lurent de Sutter

Circle stories 
par Mathilde Villeneuve
 

Pour donner au pape Benoit IX la preuve de son plus extraordinaire talent, Giotto dessina à main levée un cercle parfait. Aussitôt conquis, le souverain pontife lui permit de voyager dans Rome et d’y réaliser de somptueux ouvrages. Autre technique du lasso lancé pour attraper sa proie, la chasse en carrousel des dauphins consiste à resserrer progressivement le cercle autour des bancs ennemis avant de les engloutir. Le cercle a toujours été un objet de séduction, de captation et de pouvoir.
 
Quand un artiste a alors l’idée de sonder son potentiel narratif en faisant se rencontrer la gymnastique rythmique et un rotorelief de Marcel Duchamp, cela aboutit naturellement à une exposition qui se joue en boucle, donne le tournis, et, à la faveur des détours empruntés, ouvre des brèches. Qu’il choisisse de traverser la danse serpentine des frères Lumière, l’Enfer de Dante, la tour de Tatline, un opéra de Wagner ou encore le dernier tour de piste d’Ayrton Senna, Olivier Dollinger fait du cercle l’élément raccord de son exposition, dont il énonce l’histoire subjective. Le motif du cercle, perçu dans sa puissance de rayonnement à travers les siècles et les disciplines, devient prétexte à l’élaboration d’un conte qui croise des histoires personnelles et politiques et s’autorise des rapprochements incongrus.
 
C’est en arpentant la collection Marion Meyer qu’Olivier Dollinger en est venu à extraire l’élément qui servirait d’embrayeur à la conception de son exposition : un Rotorelief de Marcel Duchamp – un châssis rond tendu de velours noir sur lequel tournoient cinq petits rotoreliefs colorés imprimés de motifs en spirale. Poursuivant l’obsession « rotomane » qui conduisit le maître à fabriquer un Moulin à café (1911), une Roue de bicyclette (1913), une Rotative plaques verre (1920), jusqu’à ses fameux rotoreliefs (1935), Olivier Dollinger explorera donc à son tour la forme circulaire.
Sa dernière installation vidéo Abstract Telling proposait déjà une chorégraphie de gestes effectués par un magicien autour d’œuvres issues d’une collection d’art moderne et contemporain des Abattoirs de Toulouse. Tel un tableau vivant, un film offrait un commentaire inattendu des œuvres d’origine, qui les rejouait et les prolongeait dans l’espace.
Ici, en lieu et place du phonographe d’origine sur lequel les disques en carton de Duchamp produisaient l'illusion de volumes - boules, cônes, hélicoïdes -, c’est une platine vinyle qui fait office de girouette. Quand au Rotorelief authentique, il trône dans l’exposition, telle une machine archaïque arborant son superbe crissement de moteur et la lenteur de ses mouvements giratoires, rappelant que Duchamp c’est avant tout cela : l’inventeur d’une mécanique savoureuse parce qu’en partie contre performante.
 
Partisan d’une vision déconstructiviste, Dollinger démantèle les corps. A l’enregistrement filmé des enchainements de la championne précède un travail de détournement des gestes appris, de défaçonnage de son corps pour mieux le révéler à lui-même. Processus qu’il mettra à nu lorsque la sportive performera en direct et en regard d’un texte ready-made écrit et récité par le critique d’art Bernard Marcadé. Ce processus de « désacclimatation », Olivier Dollinger l’a souvent abordé dans son travail. Qu’il s’agisse de body-building, d’hypnose ou plus récemment de magie, c’est dans l’expérience menée avec l’autre qu’émergent ses fascinantes images de performances aux allures volontairement « dégénérées ».
 
Au-delà de l’implication des corps, c’est ici le dispositif tout entier de « Circle stories » qui s’annonce performatif. D’abord parce que les trois éléments en présence sont à tour de rôle activés: le film de la gymnaste, la platine qui diffuse le conte, le Rotorelief. Ces quasi-personnages de l’exposition qui interagissent et se donnent la réplique, créent ensemble une narration désynchronisée. Ensuite parce que le spectateur est placé au centre du dispositif pour faire l’expérience d’une appréhension du monde depuis un périmètre en rotation. Enfin parce qu’Olivier Dollinger, en faisant dérailler la mécanique de l’hypnose cinétique, en transformant son échelle, sa focale et son médium, élargit la vision et produit de nouvelle zone d’impact.

Communiqué de presse pour l’exposition « Circle Stories », galerie Eva Meyer, Paris, 2012

Claire Le Restif

Olivier Dollinger, la réalité intégrale
par Laurent de Sutter
 

Il faut imaginer un espace sombre, aux bords mal définis. Au milieu de cet espace, dans un rai de lumière, il y a une boîte perpendiculaire. Celle-ci est posée, dans sa face la plus petite, sur quatre roues. Les portes en sont ouvertes, de manière à voir au travers. Deux individus, jumeaux, habillés de la même manière un peu démodée, se tiennent de part et d'autre d'une des portes. L'un d'entre eux pénètre dans la boîte. Le second en ferme les vantaux sur celui-ci – derrière d'abord, puis devant. Ensuite, il se met à pousser la boîte afin de la faire pivoter sur elle-même. Il la pousse lentement. Une musique commence à se faire entendre. Pendant ce temps, le regard - l'oeil, la caméra - s'est aussi mis en mouvement, mais en sens inverse. Cela dure un temps - puis l'homme s'arrête, et avec lui la caméra. Il ouvre les portes de la boîte : celui qui se trouvait à l'intérieur a disparu. Alors, il referme les portes, et recommence le même mouvement que tout à l'heure. Mais lorsqu'il rouvre les portes, l'autre homme s'y trouve à nouveau. A plusieurs reprises, le premier homme reproduit cette disparition, suivie d'une réapparition. Au fur et à mesure des pivotements de la boîte, toutefois, un décalage s'installe entre la caméra et l'acte d'escamotage. Ce décalage finit par aboutir à une sorte de révélation : l'on aperçoit le truc, la manière dont l'homme enfermé parvient à disparaître de la boîte. Ce n'est pas une révélation spectaculaire. C'est même une révélation qui ne change rien. L'homme continue à faire pivoter la boîte, la caméra à tracer un cercle autour d'elle, et la musique à dérouler ses volutes. Le truc reprend ses droits, ainsi que le cycle d'apparitions et de disparitions. Aucune leçon, aucun drame ne vient le conclure. Un mystère, une énigme, a été dissipé - mais sans que cette dissipation n'ôte quoi que ce soit à sa beauté. Est-ce tout de même une leçon ? Peut-être. C'est au moins le soulignement négatif d'une nécessité. Cette nécessité est celle, moderne, de la critique des illusions - ou celle, postmoderne, de l'ivresse de leur jouissance. Quelle que soit sa forme, pourtant, cette nécessité est elle-même une illusion. Que gagne-t-on à dénoncer un truc ? Que gagne-t-on à s'y livrer sans réserve ? Rien - ou presque. A chaque fois, c'est d'un demi-monde qu'on se satisfait. Le critique est heureux de la réalité, l'esthète de sa dissipation. N'est-il pas possible de jouir des deux, ensemble ? N'est-il pas possible de jouir des illusions comme d'autant de membres d'une réalité qui s'étend à l'infini, d'une réalité sans bord, d'une réalité intégrale ? Lorsque la caméra révèle l'endroit où se dissimule un des deux jumeaux, et puis qu'elle poursuit son chemin de ronde, elle ne cause la perte de rien. Au contraire, sa trajectoire est celle de l'inclusion illimitée de ce qui se présente à elle, au premier degré, comme l'est toujours le cinéma. C'est la trajectoire d'une ronde ontologique, qui, comme celle de Schnitzler, n'accepte pas d'autre réalité que l'inclusion dont elle trace le cercle. Pas d'autre réalité que celle de la connexion de l'incommensurable par le regard d'un oeil ayant oublié jusqu'à l'idée de jugement.


Texte écrit à l'occasion de l'exposition "The missing viewer », Heidigalerie, Nantes, Novembre 2009

Pedro Morais FR

Entretien

Par Claire Le Restif et Olivier Dollinger


 

C.L.R : Vous êtes le seul « performer » de vos premières vidéos : « Apocalypse now » (1996,6 mn), « En ce moment sur France Info… » (1996, 8 mn).

 

O.D : J’ai effectivement une formation d’acteur. Je n’ai pas fait d’école d’art. J’ai crée une compagnie de théâtre. A l’époque je ne faisais pas de spectacle mais ce que j’appelais intuitivement des « performances ». Ces micro-spectacles avaient lieu en marge des représentations, avant où après un spectacle et jamais sur scène, mais autour où à l’extérieur du théâtre.

 

C.L.R : Vous avez très vite eu l’intuition que ce que vous faisiez n’était pas tout à fait du théâtre. Vous n’étiez alors que très peu informé de l’existence de ce type de langage artistique.

 

O.D : C’était effectivement une intuition dans la mesure où je suis autodidacte. Je n’avais aucune connaissance de la présence de ce type de langage artistique dans l’histoire de l’art. Ces performances s’inscrivaient un peu à la marge des conventions admises. Petit à petit elles ont rencontré un public davantage intéressé par l’art contemporain. C’est comme cela que le passage pour moi s’est fait du théâtre à l’art. 

« Quelques blagues carambar… » (1996, 8 mn) : je remplis ce temps avec les informations dans une performance minimaliste. Avec des carambars plein la bouche j’essaie de lire la blague jusqu’à l’overdose. Ces performances s’intéressent à des produits culturels quotidiens plus qu’à des grands récits et sont en cela proches, de par le dispositif minimaliste, de certaines performances des années 60-70. Comme un espace encore possible pour dire des choses infra-minces et ordinaires…

 

C.L.R: Votre préoccupation majeure semble alors être du côté d’un corps contrarié dans sa communication ? Pour exemple « Une souris verte… » (1996, 1mn) et « Quelques blagues carambar… » (1996, 8 mn)

 

O.D : A travers cette série de vidéos, je tentais de mettre en place un personnage proche de la figure de l’idiot. Un personnage acculé par la surinformation mass médiatique, en perte de repères avec lui-même et son environnement. Un personnage incapable de se situer, incapable de construire du sens avec l’information extérieure qui vient perturber son quotidien. La série s’intitule : « les vidéos-performances domestiques ». Dans la vidéo  « Une souris verte… » j’ingurgite presque entièrement un micro au fond de ma gorge tout en chantonnant la comptine « une souris verte », une manière d’utiliser un outil lié à la communication et à son paroxysme, et par la même d’entraver, de perturber la parole. L’information devient illisible et se perd, se mélange au brouhaha des organes corporels en train de travailler, de digérer. 

 

C.L.R : Votre intérêt lié aux symptômes est déjà fort. Vos photographies réalisées à la même période semblent être post-performances, consécutives de l’action. Toujours central : votre corps, votre visage. Il n’y a pas encore de figures extérieures.

 

O.D : Au début les questions qui me préoccupaient pouvaient se résumer à : « comment communiquer encore alors que nous sommes totalement saturés d’informations ? » Qu’est-ce qui est communiqué en réalité, derrière ce bruit incessant qui nous environne ?

C’est à cette même période que j’ai réalisé une série d’autoportraits (1995, grand format- cadrage photo d’identité) mettant tous en scène des maux quotidiens venant altérer le visage à travers ses trous, ses béances. Tous les orifices de communication de mon visage, bouche, nez, yeux, oreilles, étaient perturbés par de légers maux quotidiens.

 

C.L.R : Je voudrais revenir à l’évocation que vous avez faîtes de la figure de l’idiot. Est-ce tel que l’entend Clément Rosset dans  le Réel, traité de l’idiotie  ou tel que l’envisage Jean-Yves Jouannais dans son livre L'Idiotie? A l’époque de vos premières pièces d’ailleurs, Jean-Yves Jouannais mettait en place une exposition  L’Infamie . Ces artistes (Saverio Lucariello, Joachim Mogarra, Michel Blazy, Fabrice Hybert, Jean-Baptiste Bruant) ont pris le risque à un moment de laisser de côté l’amour propre, en faisant le pari du sarcasme. C’est un moment important pour l’art contemporain. Qu’elle était donc alors votre position, l’infamie ou l’idiotie ?

 

O.D : L’idiotie. C’était alors une posture possible pour parler de ma position politique au monde en général et à l’art en particulier. Le réel (en tant qu’artiste) est ce avec quoi nous avons à lutter. Je pense par exemple aux représentations que nous impose notre héritage socioculturel qui travaille en nous et que nous essayions de re-travailler, de ré-agencer, de reformuler différemment. Le réel est donc dans mon travail lié à une question d’identité et de ses possibilités. Je me sentais plus proche de l’idiotie que de l’infamie, une forme de résistance heureuse si j’ose dire, une ironie douce, un état qui permet, peut-être, à travers le non sens, de retrouver une part d’innocence face aux images.

C’est vrai qu’au milieu des années 90, c’est devenu chez nombre d’artistes une posture reconnue, officialisée et intégrée par le marché et les institutions. J’ai alors continué à travailler mais dans une direction où l’idiotie est devenue moins centrale au sein de mon travail, moins frontale et plus sourde.

Néanmoins il y a des réminiscences dans mon travail actuel. C’est aussi un des angles de lecture possible d’une installation comme « Over-Drive » (2003, 6 mn) qui capte et met en scène les concurrents d’une compétition de SPL, concours qui consiste à remplir une voiture de matériel sonore puissant et de tenir dans l’habitacle le plus longtemps possible durant quelques secondes sous l’effet d’une décharge de décibels.

C.L.R : Apparaît une figure centrale, qui semble se substituer à vous : « Andy » avec le kit « Rescucite Andy ». Un autre corps sur lequel vous allez agir. Ce projet a duré cinq ans et il est fondamental. Ce travail, sur une forme de réanimation, se clôt par la destruction du mannequin !

 

O.D : La première pièce avec Andy a été produite en 1995 pour une exposition personnelle à Art 3 à Valence où j’ai passé la semaine précédent le vernissage, seul dans l’espace avec le mannequin. C’était un espace très grand et très vide, je le faisais marcher, je lui parlais, je lui chantais des chansons. L’idée était d’animer l’espace d’exposition avec le poids de ce qui reste dans l’art.

Comment anime t-on l’art ? Que fait-on avec l’art ? 

 

C.L.R: L’exposition consistait ensuite à projeter les images de la semaine passée dans l’espace d’exposition. Je pense naturellement à la pièce de Joseph Beuys « I love america and America loves me » (1974).

 

O.D : A l’époque j’étais représenté par une galerie au Luxembourg et j’avais confié mon mannequin au galeriste le temps de l’exposition. Il l’a posé dans un coin et n’a absolument rien fait. Il l’a laissé mourir. Je lui avais donné comme consigne « Tu fais ce que tu veux avec lui ! ». Je trouvais cela assez intéressant par rapport au fonctionnement du marché de l’art. Il m’a dit après l’exposition « Je le regardais tous les jours et je ne savais vraiment pas quoi faire avec lui ! »

 

C.L.R : A contrario, lorsque vous proposez « Andy » à sa disposition, le public ne manque pas d’imagination ! Placé dans ce « loft », filmé en huis-clos, les scènes sont tour à tour sado-masochistes, érotiques, violentes, à chaque fois inquiétantes. Une seule personne est bienveillante !

Léa Gauthier qualifie Andy dans Le double jeu de l'image de « leurre relationnel, un objet pervers sur lequel se projettent les désirs ou les fantasmes ». 

 

O.D : Andy est un mannequin utilisé dans les cours pédagogiques de secourisme. Ce qui m’intéressait dans cet objet c’est son statut. Une contradiction indépassable, un objet auquel on tente de redonner vie perpétuellement, un objet sur lequel on s’acharne dans le vide, quelque chose de perdu d’avance, un non sens en quelque sorte inscrit dans la fonction même de l’objet. Andy semblait idéal pour explorer mes préoccupations sur les notions d’identité. Un kit identitaire portable pour explorer et expérimenter la relation à l’Autre et au double. Je m’en suis servi comme objet de fiction à investir. J’ai proposé à mon entourage de prendre Andy  chez eux pour en faire ce qu’ils voulaient. Un geste = une photo. J’ai réalisé un diaporama en boucle et très rapide, dans des décors, des ambiances, des émotions et des sentiments différents. Le mannequin prenait vie mais n’arrêtait pas de changer d’identité, en perpétuelle recherche et réappropriable à l’infini. Puis j’ai réalisé un second projet où j’ai proposé Andy à des élèves d’une école comme personnage de fiction à investir. Cela a donné un film, chaque enfant a inventé un micro-scènario. Pour l’ultime étape, j’ai placé Andy en libre disposition dans une exposition. Chacun pouvait faire d’Andy ce qu’il voulait, dans une pièce fermée. Ils étaient prévenus qu’ils étaient filmés. La plupart des spectateurs ont déchargé de la violence sur lui de manière récurrente. Ils ont manifesté une violence incroyable. Le mannequin n’existe plus, il a été entièrement détruit, ce qui a clos le travail de manière naturelle !

Andy me servait d’outil afin de questionner mon rapport à l’Autre, à l’Art, au marché de l’art, à l’exposition. J’aurais pu continuer à  m’en servir, mais sa destruction par le public a clos le travail. 

 

C.L.R : Notre première collaboration date de 2000, année où j’ai présenté « Collapse »  dans une exposition consacrée à la performance. « Collapse » est une vidéo huis-clos où vous vous dissimuler sous une grosse tête de Pokemon. Vous choisissez Picatchu le préféré des enfants. Grosse tête, petit corps, proche d’une marionnette. Pour moi cette vidéo est charnière. C’est un temps quasi arrêté, presque une photo. Communication et non-communication, une forme d’autisme. Comment vit-on dans ce huis-clos, ce monde rempli de fils qui ne vont vers nulle part ? Ce travail explore des thèmes qui vous sont chers : la communication, le corps « marionnettique », la performance.

 

O.D : Et l’image également. Pokemon est une image populaire qui surgit à un moment précis dans le monde entier. Pour moi il y a des images-virus, tout comme des virus informatiques. Elles envahissent l’espace médiatique et s’infiltrent pour un temps dans nos esprits et donc aussi dans nos corps. 

« Collapse» (30 mn) est une vidéo en apnée dans laquelle je fais l’expérience de l’état Pokemon à travers le plus fameux des personnages du dessin animé, Pikatchu. J’expérimente un état physique, un état d’après le spectacle et d’en de-ça de la communication. La tête sur-dimensionnée du Pokemon est une métaphore de la culture marchande mondiale qui envahit mon espace de vie. 

 

C.L.R : « The tears builder » (1998, 30 mn) : un corps amplifié, gonflé, pas du tout naturel (un peu comme Pokémon), déambule dans l’espace. « Burning » (1999, 3 mn) : vous inviter un jeune type à rentrer dans un lieu symbolique, le « centre d’art » avec son scooter. Il fonce dans les angles du lieu, freine et laisse des traces de pneus.

« Over-Drive » (6 mn) : des personnages s’ enferment dans des voitures. 

Les trois pièces, trois huis-clos, abordent d’une certaine manière la construction de l’identité masculine à travers des stéréotypes.

 

O.D : Trois huis-clos à travers lesquels le « masculin » cherche surtout à se construire dans une volonté éperdue de puissance poussée à l’extrême. Dans « The tears builder » cela se joue par  la maîtrise du corps, dans « Burning » par la maîtrise du mécanique, et dans « Over-Drive » par la maîtrise du technologique. Dans chacune de ces vidéos il s’agit  d’inclure le spectateur dans l’état psychologique des protagonistes. Pour « Over-Drive », c’est l’espace de la galerie qui s’est littéralement superposé à l’espace psychologique des compétiteurs.  

 

C.L.R : Dans « The tears builder », ce n’est plus vous qui êtes en scène. 

 

O.D : Dans les vidéos auxquelles vous faîtes référence, la performance s’est, d’une certaine manière, complexifiée et déplacée de mon corps à celui des autres. Il s’agit pour les personnes invitées à participer à mes protocoles de re-jouer leurs réalités dans un réel autre. Le corps du bodybuilder séparé de son environnement et de sa fonction habituels rentre en lutte avec sa propre représentation. Un basculement s’opère entre présentation et représentation, pour le personnage comme pour ma manière de filmer l’action. Je cherche à être toujours très proche du souffle du bodybuilder. Cet entre deux, cette indétermination, déstabilisante pour le bodybuilder, me permet de le faire passer d’une icône de la toute puissance à une icône de la vacuité. Un flottement apparaît dans cette suspension des intentions, des repères tant spatiaux que temporels puisque j’avais donné pour unique consigne au bodybuilder de se mettre dans l’état d’esprit psychologique et physique de l’instant qui précède la montée sur un podium d’exhibition. La caméra est active, elle capte autant qu’elle déclenche chez le bodybuilder des émotions assez complexes qui le déstabilise et viennent retourner l’image spectaculaire dont il a l’habitude. 

Dans ces pièces l’enjeu est de faire fusionner la performance et les modalités de la télé réalité pour « The tears Builder », la performance et l’esthétique du film expérimental dans « Over-Drive », la performance et une certaine grammaire du cinéma dans « Le projet Norma Jean ».  

 

C.L.R : Dans votre travail vous choisissez en général des physiques, des visages, en plein passage de l’adolescence à l’âge adulte.

 

O.D : Andy, le mannequin, était aussi entre deux ages et deux sexes. Suivant l’éclairage il pouvait autant être féminin que masculin. L’adolescence est un entre deux mondes où tout est possible, où tout peut se jouer, où rien n’est défini, c’est un état d’instabilité dans lequel l’enfant que l’on était rentre en conflit avec l’adulte que l’on sera. C’est donc un temps et un espace de résistances et d’intranquilité et c’est en cela que ce moment m’intéresse. Comme un temps où les choses sont re-jouables à l’infini. 

 

C.L.R : Dans « Reverb (le projet Norma Jean) », réalisé pour le crédac, la figure féminine apparaît. Reviennent le travail sur l’image, le huis-clos, l’étirement de la durée, l’identification, le mimétisme. Néanmoins, c’est une nouvelle approche ?

 

O.D : C’est la même intention : ouvrir une image, une image que nous portons tous en nous, la réinvestir et l’habiter différemment. Contrairement à « The tears builders » où la durée (30mn) permettait de voir le personnage dans des états différents et ainsi faire craqueler l’image spectaculaire, dans le « Projet Norma Jean » l’hypnose est l’élément nouveau qui me permet de réinvestir différemment une image figée, un peu comme un archéologue qui irait fouiller l’inconscient à la recherche de l’image originelle qui à pousser ces femmes à devenir actrices. 

 

C.L.R : Qu’elle a été la genèse du « Projet Norma Jean » ?

 

O.D : Ma première idée a été de faire appel à deux actrices qui appartiennent à la culture cinématographique européenne : Jeanne Moreau et Anouck Aimée. J’avais envie de leur faire revivre sous hypnose certaines scènes, certains dialogues à travers les grands rôles qu’elles avaient incarné durant leurs carrières. La question étant pour moi : comment cette mémoire collective peut-elle s’agencer avec la mémoire individuelle. Mais m’intéressant finalement davantage au statut de l’image, je suis allé chercher l’icône : Marylin Monroe. A partir de là, Los Angeles m’est apparue comme la ville centrale de l’industrie cinématographique où un habitant sur trois travaille pour cette industrie. J’ai choisi cette destination pour réaliser ce projet. 

 

C.L.R : Quel était le scénario ?

 

O.D : L’hypnose est un moyen pour moi d’ouvrir l’image, de l’étirer. La voix de l’hypnotiseur accède à l’inconscient des actrices et fait se juxtaposer lentement deux espaces généralement séparés du psychisme. Durant un court instant le conscient et l’inconscient, le réel et le virtuel, ouvrent un nouvel espace et cet espace psychique me semble caractéristique de notre époque, où passé et avenir, proche et lointain s’entremêlent en perdant leurs résolutions, leurs territoires respectifs.

J’ai choisi cette chambre pour sa spécificité. Le lit au fond est sur une estrade, comme sur une petite scène, c’est à dire que ce qui est le plus intime, le lit, est déjà mis en spectacle. Il existe trois espaces dans la vidéo qui n’en forme plus qu’un, le lit (les coulisses) le petit salon (la scène) et la ville de Los Angeles (la salle). Ces trois espaces d’ordinaire indépendants et clos se trouvent ici ne faire plus qu’un seul espace. A travers cet agencement je cherche à pointer un nouveau rapport à l’intimité issue de sa spectacularisation marchande.  

Los Angeles est la plus grosse usine à images. C’est là que se fabrique nos représentations les plus intimes, comme celles qui gouvernent le monde. Il me semblait juste de rejouer ces représentations au sein même de l’usine et de ces ouvrières.

Ce projet questionne donc également en toile de fond la ville de Los Angeles dans son rapport à l’industrie du spectacle. L’Hypnotiseur que j’ai choisi est aussi scénographe et travaille à Hollywood, il a  notamment réalisé des scénographies pour les clips de Madonna et Marilyn Manson. Pour moi, d’une certaine manière, c’était comme si le spectacle hypnotisait le spectacle…   

 

C.L.R : Vous n’avez pas fait de casting ?

 

O.D : Non. Pas au sens classique du terme. Ce n’est pas la qualité du jeu qui m’intéressait, mais la façon dont elles portaient Marilyn en elles, la manière dont elles vivent au quotidien avec ce personnage icônique. C’est donc une discussion plus qu’un casting qui a décidé de mon choix. L’une d’entres elles est fan de Marylin Monroe et collectionne des photos inédites, une autre a plusieurs fois jouer le rôle de Marylin Monroe et ce personnage lui colle à la peau depuis, une autre encore milite pour réhabiliter une image saine de la star sur Hollywood Boulevard. Bref chacune avait, en quelque sorte, des liens forts avec Marilyn Monroe.

 

C.L.R : Finalement, vous êtes derrière la caméra. Est-ce vous ou l’hypnotiseur qui conduit les opérations ? Qui met en scène ?

O.D : Je m’intéresse plus à la captation qu’à la mise en scène. J’essaie d’une certaine manière de laisser la mise en scène ouverte aux accidents que peuvent provoquer l’architecture de l’espace, aux événements de lumière et de sons. Tout comme dans « The tears builder » où le personnage se mettait en scène face à la caméra, il avait en charge sa propre image. La mise en scène est donc partagée par les différents protagonistes du protocole. Elle est en quelque sorte en « Open Source », chacun peut s’en approprier une partie.  

 

C.L.R: Réunies dans un même espace, les corps parfois se cherchent. Néanmoins chacune semble être dans une grande solitude. Chacune est tournée vers elle-même et non vers les autres. Elles se donnent à voir mais cela reste toutefois très intime. 

 

O.D : La bande son de la vidéo mixe le son direct de Los Angeles qui provient de la circulation sur Hollywood boulevard et la voix de l’hypnotiseur dans la chambre d’hôtel qui s’immisce lentement dans l’intimité psychique des jeunes femmes. La bande son juxtapose donc l’espace urbain et l’espace intime, créant une indistinction entre ces deux territoires. L’indistinction provient également du fait que jamais on ne sait si elles jouent où si elles sont « jouées » par l’injonction hypnotique. On peut aussi lire « Le projet Norma Jean »  par rapport à la situation du pouvoir politique aux Etats Unis et plus particulièrement à Los Angeles où Arnold Shwartzeneger est élu gouverneur. Depuis Ronald Reagan, les Etats Unis se dirigent vers une conception performative du monde. Arnold Shwartzeneger est l’ultime stade de cette évolution où les frontières entre un gouverneur acteur donc fictif et un gouverneur authentique donc réel sont complètement gommées. «Le projet Norma Jean » pointe donc tout un jeu d’érosion des frontières entre l’intime et le collectif.

 

C.L.R: « Le projet Norma Jean » est diffusé dans une salle qui possède tous les caractéristiques d’une salle de cinéma, sans les fauteuils !

 

O.D : La salle du crédac était destinée à l’origine à être une salle de cinéma et elle en a gardé certaines caractéristiques architecturales, un peu comme un squelette de salle de cinéma. J’ai pensé l’installation en écho à cette fonction originelle, une manière pour moi d’être également attentif au contexte et de prendre en compte le lieu où vient s’inscrire mon travail. 

 

Entretien public entre Olivier Dollinger et Claire Le Restif à l’occasion de l’exposition au crédac, centre d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine.

In monographie Olivier Dollinger « Low Commotion », co-édition Le crédac, Espace Paul Ricard, Galerie chez Valentin, Galerie Skopia, 2005

Olivier Dollinger
par Pedro Morais
 

Le travail d’Olivier Dollinger met en évidence le fait que l’identité est toujours une construction dont les coordonnées sont définies par des conventions sociales, susceptibles, à l’inverse, d’être déstabilisées et remises en jeu par le sujet. Ainsi, la construction identitaire ne serait plus la quête d’une essence ou d’un récit fondateur mais un désapprentissage permanent de soi et de son corps. Cette possibilité apparaît néanmoins dans le hors champ des images, car Olivier Dollinger expose d’abord les corps capturés à l’intérieur d’un champ contradictoire de codes, contraintes et stéréotypes. Au début de son parcours, il se met lui-même en scène face à une caméra et poursuit des actions jusqu’à l’exhaustion, s’attribuant des contraintes qui pointent leur absurdité. Il rend alors visible l’impossibilité du corps à s’ajuster entièrement au langage ou aux images qui l’entourent, tout en identifiant le caractère performatif de la communication. Face au pouvoir des images médiatiques à investir l’inconscient et infiltrer les corps, il essaie de faire émerger une expérience. C’est une performance qui cherche moins à « libérer » le corps de ses encodages sociaux qu’à rendre ceux-ci explicites en les rejouant. Il trouve alors un double, Andy, mannequin utilisé dans les cours de secourisme qui vient peu à peu se substituer à l’artiste. Au départ, Olivier Dollinger envisage la réanimation comme l’apprentissage d’un langage primitif et s’enferme pendant trois jours avec Andy pour tenter d’épuiser tous les codes de communication gestuelle et interroger le potentiel de l’art à « animer » un objet. Pendant cinq ans (1996-2000), Andy sera mis en « relation » et à « disposition » de différentes personnes : il évoluera autant comme objet de projection que comme révélateur de leurs pulsions, jusqu’à que sa destruction violente marque la fin du projet. Plutôt qu’être investi d’une fonction « relationnelle », Andy permet d’identifier la mise en scène des échanges, activés par la présence de la caméra. Andy était un corps neutre, « entre deux âges et deux sexes », annonçant les questions que l’artiste va développer autour de la construction identitaire. Si celle-ci est communément associée à l’adolescence, l’artiste semble plutôt partir de là pour élargir la réflexion à la performance du genre, un chantier de négociations conflictuelles entre le désir et les représentations préalables, l’indéterminé et le stéréotype. La construction normée du genre masculin est déstabilisée dans deux performances réalisées dans des espaces d’exposition vides, amplifiée par la neutralité du contexte et l’isole- ment de l’individu. Pour Lipstick Wall Drawings (1999), il reprend un produit associé à la séduction féminine, le rouge à lèvres, et imprime les murs d’empreintes de sa bouche, de façon mécanique, tandis que dans Burning (1999), il sollicite un jeune motard à y faire des « burns » (des traces laissées par le caoutchouc brûlé sur le sol), dévitalisant un rituel de démonstration de puissance. C’est aussi dans une galerie vide qu’a lieu Tears Builder (1998), une vidéo où un bodybuilder est invité, pendant toute une journée, à se mettre en situation de prépa- ration précédant habituellement la montée sur un podium d’exposition. Ce « corps construit » s’éloigne des critères conventionnels de beauté athlétique pour ne répondre qu’aux codes internes d’un nouveau groupe d’appartenance minoritaire : il vient signaler la capacité de chacun à agir et à reconfigurer une identité à travers la transformation de son anatomie. Olivier Dollinger introduit une fissure dans le regard formaté du spectateur, permettant à ce corps de devenir singulier en rendant sa gestualité flottante, progressivement éloignée de l’auto-surveillance. Si dans la vidéo Over Drive (2003) s’exprime un désir d’expérimenter les limites pour mieux se déposséder de soi- même, dans Reverb (le projet Norma Jean) (2003), il rend visible l’intensité de la violence intérieure qu’engage le besoin de s’identifier à une image. Son intérêt pour l’hypnose dans cette vidéo s’est prolongé par un travail avec des médiums, traduisant la façon dont les corps sont à la fois récepteurs, émetteurs et traducteurs dans la négociation avec différentes identités, quand « passé et avenir, proche et lointain s’entremêlent en perdant leurs résolutions » [1]. Dans Space-Off (2002), il demande à un médium de faire une séance de spiritisme à la Villa Savoye, construite par Le Corbusier : l’enregistrement de la voix vient perturber ce contexte architectural, issu d’une projection rationaliste qui voulait rendre transparentes les frontières entre l’individu et la vie sociale. La propagation fantomatique du son vient éveiller les tensions irrationnelles et les contradictions soustraites à la cohérence du programme moderniste. Dans Wilderness (2007), le son devient un matériau seulement visible à travers sa vibration : une chanson de Joy Division est réduite à des basses fréquences qui font léviter des paillettes argentées placées sur des haut-parleurs. Il dévoile ainsi sa structure abstraite, semblant faire écho aux paroles absentes de Ian Curtis [2]  (« what did you see there ? »). Cette musique sans son, à l’image d’un personnage sans identité, permet d’identifier la soustraction d’éléments narratifs dans son travail récent : leur absence semble vouloir faire face à un monde sur-investi de signes. Ainsi, dans Global Sunset (2008), superposition de cinquante photos de couchers de soleil capturés sur Internet, il court-circuite le pouvoir des images génériques, tout en exploitant l’imaginaire collectif. C’est une « mémoire des différentes modalités de l’image [...] cristallisant le passage entre l’ère du cinéma, puis de la télévision jusqu’aux jeux de rôles en ligne [3]. L’accumulation de ces différents « lieux communs » les transforme en non-lieus et donne en même temps une matérialité à l’image dont la beauté devient totalement étrangère. C’est cette oscillation qui permet au travail d’Olivier Dollinger de signaler les structures de la perception, la grammaire des représentations et l’artifice d’un langage commun. 
 
- 1.Propos de l’artiste. 2. Chanteur du groupe Joy Division. 3. Propos de l’artiste.


In « French Connection », Black Jack édition, Montreuil, 2008

Christine Macel

Dolences dans l’œuvre d’Olivier Dollinger 
par Christine Macel
 

“Andy” d’Olivier Dollinger. Olivier Dollinger représente l’histoire d’un mannequin de secourisme, figurant un adolescent, qui commence dans les bras des uns et des autres, puis finit dépecé par le public dans une salle d’exposition. Avec Andy se révèle quelques caractères de l’espèce humaine dont certains attendrissent quand d’autres terrifient. Il semblerait que les lignes de Sigmund Freud adressées à Lou-Andréas Salomé à la veille de la montée nazi, sur les sommets de Berstesgaden, ce fief qui allait devenir hitlérien,  se confirment avec la destruction du mannequin. Dans « L’avenir d’une illusion », après la Première guerre mondiale et son « tournant de 1920 » qui l’a conduit à remanier ses visions dans un sens plus noir, Freud mettait encore ses espoirs dans la science, à défaut de les placer dans la religion. Deux ans plus tard dans « Malaise dans la culture », ses dernières illusions se sont évanouies. Freud décrit le narcissisme illimité du petit enfant, ainsi que le souhait de l’adulte de retrouver ce premier narcissisme où la frontière du moi avec l’objet se trouve effacée. C’est dans ce désir archaïque qu’il situe la naissance du sentiment de haine et de la pulsion de destruction. L’hypothèse de la pulsion de mort, dont il avait tenté de minimiser la possible victoire sur la pulsion de vie, semble désormais confirmée. Freud se résout à en admettre l’existence et la dangerosité. Il conclut ainsi son ouvrage : « La question décisive pour le destin de l’espèce humaine me semble être de savoir si et dans quelle mesure son développement culturel réussira à se rendre maître de la perturbation apportée à la vie en commun par l’humaine pulsion d’agression et d’auto-anéantissement. A cet égard l’époque présente mérite peut-être justement un intérêt particulier. Les hommes sont maintenant parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu’avec l’aide de ces dernières il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier. […] Et maintenant il faut s’attendre à ce que l’autre des « deux puissances célestes », l’Eros éternel, fasse un effort pour s’affirmer dans le combat contre son adversaire tout aussi immortel. Mais qui peut présumer du succès et de l’issue ? ». Telle est bien, un siècle plus tard, la question qui taraude. Pourquoi la guerre ? demandait Einstein. Si la raison des Lumières s’est montrée impuissante à contrer la destructivité et la haine, si la science peut se mettre au service de ses dernières sans éthique ni humanisme, qu’adviendra-t-il de l’homme en prise avec sa double nature mise à jour ? Olivier Dollinger illustre précisément cette interrogation dans ses œuvres, de même qu’il aiguise la prise de conscience individuelle. Il force le spectateur à s’interroger sur la nature des pulsions qui l’aurait lui-même animé face à ce jeu en apparence innocent. Il l’incite à regarder comme par un effet miroir de la vidéo, la propre force « daimonique » de ses pulsions. Par là même, il renforce l’idée d’un possible libre-arbitre, malgré tous les déterminismes, en évitant l’écueil d’une œuvre moralisatrice et dogmatique. Parce qu’il ne cherche pas à démontrer, en abandonnant totalement le processus d’interaction avec son mannequin au public, sa représentation garde sa force d’exemplification. Il pose de façon ouverte le problème du mal, un problème sans issue. Le mal est sans pourquoi écrivait André Green. L’âme est simplement malade de la mort.
Il semble comme le disait André Gide, qu’on ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments. Ainsi en va-t-il de l’art également, qui pour être vrai, doit être cru et cruel. Ou pour le dire dans les mots de Clément Rosset dans son « Le Principe de cruauté » : « Il n’y a pas de pensée solide – comme d’ailleurs d’œuvre solide quel qu’en soit le genre (…), que dans le registre de l’impitoyable et du désespoir. Tout ce qui vise à atténuer la cruauté de la vérité (…) a pour conséquence immanquable de discréditer la plus géniale des entreprises (…) ». L’art de Dollinger révèle en effet le caractère douloureux et tragique de l’existence et en cela, il soigne de l’illusion et fait admettre le conflit de pulsions antagonistes.
 
En plus du dialogue impitoyable d’Eros et Thanatos, Dollinger représente le jeu de la projection dans les processus psychiques  humains, basé sur le narcissisme primaire. Avec « The tears builder », son body-builder apparaissait déjà dans sa confondante insécurité narcissique, seul, juste avec sans corps, sans les instruments qui auraient pu justifier son hypertrophie. Hésitant, ridicule, apitoyant, ce corps de bonhomme Michelin décontextualisé parade sans proie à séduire, sans exploit à accomplir. Comme un ballon de baudruche, il se dégonfle pendant des heures, tristement ridicule.
 Le mannequin Andy constitue lui, non plus seulement un objet narcissique, mais aussi une surface de projection pour des narcissismes d’enfant et d’adultes. Parfois, ceux-ci paraissent à peine plus matures que les plus jeunes, comme si Dollinger voulait dessiner notre commune idiotie. Qu’est-ce que la projection ?  La pulsion en tant que telle est d’emblée vouée à la projection. La projection constitue un processus banal et fondamentalement idiot. Le pulsion est une tension constante interne. La projection permet la sortie de la pulsion vers l’objet, dans un mouvement nécessairement projectif puisque au dehors. Si l’objet va au devant des désirs du sujet la projection s’avère inutile ; tandis que dans une situation non idéale, il y a projection de l’indésirable voir de l’intolérable. Une identification projective apparaît également possible, où le moi se projette sur un objet extérieur. Un tel processus empêche d’entrée la connaissance de la réalité puisque toute projection la déforme. Ainsi apparaît l’impasse de la perception qui se trouve doublée par la projection, tout comme l’impasse de la pulsion qui doit se satisfaire, mais qui dans sa satisfaction même empêche une satisfaction réelle ou véritable. Il se peut même que la projection transforme la pulsion en perception, ouvrant la porte à la paranoïa et à une méconnaissance du réel.
Ce sont ces processus, que l’on ignore paradoxalement d’autant plus qu’ils sont fréquents et usuels, qui font irruption au grand jour dans l’histoire d’Andy.
 
In fine, Dollinger montre, à travers le jeu des projections, que l’on se parle plus à soi-même qu’on ne s’adresse à l’autre. Dans « Burning » ou « Over-drive », les hommes sont seuls avec leurs jouets mécaniques, scooter ou voiture, dans une totale absence de relation à l’autre, voire dans un état de déréalisation. « Les hommes à travers ces installations ne se mesurent au final qu’à leur propre solitude dans un univers où la nécessité de l’autre (l’échange) semble avoir disparu » écrit Olivier Dollinger, décrivant crûment la réalité de ses anti-héros.
Dans ces absences de parole, Dollinger révèle également un langage silencieux, celui qui se parle en deça des mots, dans l’émotion. Observés par l’anthropologue Edward T. Hall, cette « dimension cachée » prend ici sa vraie place, plus signifiante que les mots eux-mêmes. Le geste remplace le dit, jusqu’à receler plus de sens, tout en permettant de décoder l’état émotionnel de l’individu. Etreinte, caresse et sourire de compassion avec Andy, sourcils froncés et regard concentrés de l’homme agressif dans son véhicule, yeux grand ouverts et incertains du body-builder ; tous ces signes constituent le langage du corps, au plus près de la pulsion. Cette recherche de Dollinger s’est affirmée dans sa récente pièce « Norma Jean », avec l’hypnose de six jeunes actrices hollywoodiennes,  invitées à une séance visant à revivre l’état émotionnel de Marylin Monroe avant sa mort. Les visages souffrants, séducteurs ou hagards de ces états hypnoïdes parlent un langage silencieux et violent, qui confirment l’intuition de Darwin sur le langage corporel, exposée dès 1872 dans l’Expression des émotions chez les hommes et les animaux. Ce champ d’investigation, repris dans les années 1960, connaît aujourd’hui un regain d’intérêt majeur, confirmant s’il en était besoin que la pulsion se lit dans le corps.  Freud, tout comme Charcot en France, l’avait lui-même pressenti, en utilisant la technique de l’hypnose, avant de l’abandonner pour la cure analytique. Preuve s’il en était besoin, que l’intelligence de l’esprit pur se trouve reléguée presque derrière l’origine animale de l’homme, tant cette force la surpasse. 
L’art de Dollinger incite d’une certaine manière à désapprendre à penser. Curieuse entreprise pourrait-on se dire, mais qui s’avère salutaire pour celui qui tente de vraiment s’intéresser à la vie, sans, comme le disait Valéry, faire une « idole » de son esprit. Dollinger confronte à ce paradoxe de l’homme contemporain qui, face à la culture de l’information privilégiant le bel esprit, doit se protéger d’une offre et d’une incitation qui pourraient lui ôter toute capacité à goûter la vie avec passion.
 
Dollinger explore les comportements humains. Il tente d’imaginer des alternatives, mais sans souci réelle d’efficacité. De toute façon, l’art ne communique rien. Tout au mieux il représente. Contrairement au registre mythique, qui prévalait jusqu’au surréalisme, l’art de Dollinger ne passe plus par le truchement de l’histoire. Il la fait écrire directement par le spectateur, qui hésite entre la position du Minotaure ou de Thésée, entre la pulsion et sa domination. 
A travers son œuvre, la psychanalyse prend place comme une science humaine que l’art ne peut plus négliger. Un siècle après sa naissance, alors que le critique d’art a tenté de l’éloigner avec mépris, elle ressurgit comme un outil majeur. Longtemps elle n’a pas été populaire, comme Freud l’avait lui-même prédit en 1938 à Londres, juste avant sa mort. 
Aujourd’hui, elle semble vivre une reconnaissance vérible, ainsi qu’une profonde métamorphose, ave les travaux de psychanalystes majeurs comme D.W.Winnicott, André Green, Paul-Claude Racamier ou Didier Anzieu qui ont recentré les recherches sur les états-limites et les psychoses. Alors qu’émergent les neurosciences qui sans doute l’obligeront à des évolutions passionnantes, la psychanalyse vit également une crise. Le destin des pulsions semble aujourd’hui intimement lié à ce rebondissement de la science qui en percera sans doute mieux le mystère mais cherchera sans nul doute à les dompter voire à les manipuler à des fins imprévisibles. Soixante-mille gènes sont aujourd’hui décodés, les multinationales se battent pour en acheter les derniers brevets, confisquant ainsi le patrimoine humain devenu objet de spéculation, non plus métaphysique mais capitaliste.  Ces mutations inspireront sans doute un art autre.
Comme alors, et comme sans doute demain, la seule alternative consiste dans la prise de conscience et le choix individuel, face à un réel toujours aussi tragique et douloureux pour qui le voit tel qu’il est. Il nous reste cela, ce qui n’est pas peu. 


In monographie Olivier Dollinger « Low Commotion », co-édition Le crédac, Espace Paul Ricard, Galerie chez Valentin, Galerie Skopia, 2005

Guillaume Désanges

Propositions fragmentaires à partir d’une réception d’Over-Drive,

une installation d’Olivier Dollinger

par Guillaume Désanges, avril 2003
 

 

Transfiguration 

Over-Drive dévoile une galerie de portraits « sous verre » : tableaux de bord. Une suite de visages presque immobiles, à l’expression incertaine et fluctuante : entre absence et concentration, pâmoison et hébétude, posture et autisme. Aux deux extrêmes : extase et effroi.  Avant toute identification contextuelle, une image immédiate : le visage magnifié de Renée Maria Falconetti filmé par Dreyer. Une impression de transfiguration accentuée par des altérations oscillantes de l’image : du concret à l’abstrait, par infime déplacement du soleil sur la vitre, jeu d’ombre et de lumière sur la poussière. Fragmentation, décomposition, alternativement pointillisme ou réalisme. Morphing.

Interstices

Over-Drive sonde les fissures du réel à partir d’instants tendus, grossis par une fureur qui menace à tout moment d’imploser. Instants concentrés qui sont paradoxalement dilatés. Une exploration qui engage l’effroi et la séduction :

 

Effroi du ralenti sonore

Séduction du ralenti visuel

Blow out

L’effroi : un son grave qui emplit l’espace et qui s’étire, se déploie et recouvre tout. Reflux (momentané). Infra-basses. Un bruit matérialisé -qui fait vibrer les murs. Frappe le ventre plus que l’oreille. Réifié aussi par la présence massive et incertaine des haut-parleurs. Un rugissement presque monstrueux, parce que distendu, suspendu. Déroulé en ralenti sonore. Angoisse : comme si la menace campait dans les fréquences inaudibles. (Voir le Docteur Schweitzer à l’infirmière effrayée par les craquements de la forêt dans la pièce de théâtre : « …ici, ce qui est dangereux c’est ce qu’on n’entend pas ».) Autre réminiscence sonore : le cri monstrueux d’un pasteur poursuivant deux enfants au bord d’une rivière. Un vagissement qui s’élance, se délie, vire à l’abstrait. Autre image : Blow Out, (remake « sonore » du film d’Antonioni). Un ingénieur du son ralentit une bande magnétique pour révéler la coïncidence d’un coup de feu lors d’un accident de voiture : une angoisse qui transparaît par simple ralentissement et inversion du son. Malaise de l’exploration vers l’infime. 

Blow up

À l’inverse, séduction de la même exploration vers l’infime (mais visuelle). Une autre image d’accident : des photos d’enquête concernant l’assassinat de John F. Kennedy à Dallas.  Puisées dans un film super 8 amateur et grossies au maximum. Accident. Crash. Overdrive. Images arrêtées, exagérément agrandies, floues et granuleuses, rendues abstraites par extrême rapprochement. Ultra détail. Sur-exposition d’un fragment lumineux d’un après-midi texan. Il ne reste que des taches de couleur chargées d’un nouveau sens. Presque sublimes.

 

Me rappellent les poussières de soleil sur les pare-brise d’Over-drive.

- Overdrive : vitesse surmultipliée. Un élément mécanique qui permet d’augmenter la puissance d’une voiture en sur-multipliant le rapport de transmission. Une pédale qui augmente la saturation du son de guitare électrique. Toujours : saturation, maximum, trop-plein. Implosion.

Dedans-dehors

Le pare-brise comme écran protecteur. Ou membrane isolante, enveloppante. Transparence et claustration. Un court travelling donne l’impression d’une suspension dans les airs. Coussin d’air. Les pilotes d’Over-drive apparaissent comme des enfants-bulle dans leur cellule de verre ou des cosmonautes en apesanteur. Même type de distanciation quasi-fictionnelle. Même hébétude dans les regards. La vitre comme filtre. Voire : écran révélateur, type papier photo. Les visages des concurrents viennent s’y révéler. Apparitions. Mais peuvent aussi y disparaître : fondus au noir. 

 

Parfois, le pare-brise se brise. 

Ceci n’est pas un documentaire

Over-Drive prend comme source – mais pas comme sujet –  une compétition de SPL (Sound Pressure Level). Une discipline originaire des États-Unis qui consiste à optimiser, via de puissants haut-parleurs, la pression acoustique atteinte dans l’habitacle d’une voiture. Une dérive radicale du tuning filmée élémentairement (sans effets). Mais l’installation dépasse la notion de caractérisation sociale. Elle propose un saisissement culturellement indéterminé qui, soudain, se découvre possiblement partageable. Pour ce faire, le cadrage sonore est conforme au cadrage visuel : au plus près, en laissant hors champ le folklore du tuning. Alors, on peut tout imaginer. Over-drive maintient le visiteur dans une zone irrésolue qui lui permet d’échafauder ses propres suppositions. Et d’échapper au sujet.

Hors limite

Il existe certainement une tendance sociologique aboutissant au phénomène SPL. Elle reste invisible. Les shows représentent la pointe aberrante d’un phénomène récent mais dont, déjà, l’origine semble perdue. Une aberration culturelle comme il existe des aberrations dans la nature. Un phénomène décadré, démesuré. Hors-limite. Perversion du culte automobile, corruption du perfectionnement de la hi-fi de voiture. Monstruosité socioculturelle. Rituel. En maintenant volontairement hors champ le contexte socioculturel du phénomène, en nous empêchant de déterminer le point d’origine anthropologique de ce qui nous est montré, Olivier Dollinger nous ramène possiblement à l’essence même de ce rituel : l’expérience extatique de la soumission physique à la pression acoustique. 

La volonté de puissance

La dialectique projection/diffusion de l’installation semble rejouer le combat des deux pulsions essentielles de l’art révélé par Nietzsche dans la « Naissance de la tragédie » : l’ivresse (dionysiaque) contre le rêve (apollinien). La jouissance à la fois vitale et cruelle de l’immédiat versus la distance interprétative qui rend intelligible par l’illusion et la sublimation. Deux mouvements qui ne sont pas antagonistes mais plutôt intimement liés dans l’expression possible d’un « non-représentable » : les regards aériens (presque irréels) des candidats venant littéralement guérir la fureur chaotique propagée par les haut-parleurs. 

Le chant des sirènes

Absurdité et gratuité du passe-temps. Véhicules auto(im)mobiles. Boîtes sans vitesses. Caisses de résonance.  Certes, mais dérisoires : les candidats portent des casques pour se protéger du son. Ils n’entendent pas. Pourraient tout aussi bien ne pas être à l’intérieur du véhicule. Comme certains groupes de rock (My bloody Valentine, par exemple) jouaient avec des boules Quiès dans les oreilles. Création d’un son autonome qui n’a plus besoin d’être entendu mais seulement mesuré. Audimat nul.

Pour Jankélévitch, Ulysse face aux sirènes représente le paradigme même de la tentation : immédiateté de la sollicitation, mais contrainte par une entrave volontaire. Alors : instant concentré, tendu entre deux pôles, suspendu. Instant de vérité. SPL : concert pour zéro spectateurs.

Psycho-moteur

On imagine assez bien ce qu’une rapide lecture psychanalytique du phénomène pourrait développer, sur un principe d’équivalence sensorielle basique. Isolement dans un espace extrêmement réduit et chaotique où les bruits sont assourdissants =  sensation de retour dans le ventre maternel. Régression. Soutenue facilement par les homophonies : enceintes (baffles) / enceinte (rempart) / enceinte (la mère). L’image de l’automobile comme refuge est connue, elle est ici exacerbée : organicité de la machine, surdité, recroquevillement.

La place du mort

Over-Drive expose une situation potentielle de l’effroi. Littéralement : la peur au ventre. L’effroi de l’occulte. Car qui sait ce qui se passe à l’intérieur de l’habitacle ? Personne. Pas même le concurrent, dont le regard semble renvoyer vers l’extérieur l’interrogation du phénomène. Le pare-brise nous isole de la fureur comme le casque l’isole de la fureur. Elle est entre lui et nous. Image : le vulcanologue au plus près de l’éruption (avec sa combinaison en amiante) mais qui n’y pénètre jamais. La non-expérience comme expérience-limite. Hors champ, le panneau d’affichage qui donne le taux de pression acoustique atteinte dans l’habitacle : comme la tour de contrôle donne de loin l’information d’un danger très proche mais uniquement visible à distance. Puissant ressort d’anticipation du cinéma fantastique : la peur, c’est quand il y a les signes d’un danger invisible.

 

- Overdrive : ce qui va au-delà de la conduite, au-delà du pilotage, dans les zones du chaos et de l’accident.


Communiqué de presse de l’exposition « Over-Drive », Galerie chez Valentin, Paris, 2005

Léa Gautier
ENGLISH

Au-dessus du leurre 
par Léa Gautier


" Idiotès, idiot, signifie simple, particulier, unique ; puis par une extension sémantique dont la signification philosophique est de grande portée, personne dénuée d'intelligence, être dépourvu de raison. Toute chose, toute personne sont ainsi idiotes dès lors qu'elles n'existent qu'en elles-mêmes, c'est à dire sont incapables d'apparaître autrement que là où elles sont et telles qu'elles sont : incapables donc, et en premier lieu, de se refléter, d'apparaître dans le double du miroir. Or, c'est le sort finalement de toute réalité que de ne pouvoir se dupliquer sans devenir autre : l'image offerte par le miroir n'est pas superposable à la réalité qu'elle suggère. […] Le monde, tous les corps qu'il contient, manquent à jamais de leur complément en miroir. Ils sont à jamais idiots.". Dans Le réel, Traité de l’idiotie, Clément Rosset met en avant un paradoxe premier de notre relation sensible : s’il faut des processus de ressemblance et d’identification pour créer du sens, rendre possible le rapport à soi et au monde, ce rapport est d’emblée faussé par l’existence première de la dissemblance, l’impossibilité de l’identité, de l’adéquation. Les processus d’identification seraient donc des leurres. A une plus large échelle, ce leurre nécessaire apparaît comme le terreau dans lequel s’enracine le langage : on ne peut nommer que si l’on reconnaît. Partant, toutes les relations intersubjectives reposent également sur cette illusion première de l’identité possible des choses. Si le symbole renvoie à la sphère du langage et la chose à celle de la réalité, lorsque Lacan affirme : «  le symbole se manifeste d’abord comme meurtre de la chose », il marque violemment l’alternative ; être dans le monde c’est être hors du langage et réciproquement, mais on ne saurait être au monde sans langage. Dès lors, la richesse de tout langage verbal ou pictural, sa puissance d’invention, se joue dans la tension constante entre la conscience du mensonge et l’affirmation de sa nécessité. En ce sens, le travail d’Olivier Dollinger fait signe vers l’idiotie originale des choses. Ses œuvres travaillent à impulser une dynamique constante du sens, elles disent, avec humour et cruauté, l’impossibilité de coller absolument à la représentation et signale les stratégies misent en place à travers le langage, le comportement pour tenir cette tension au-dessus du leurre.
Andy est le nom générique d’une forme androïde conçut pour l’apprentissage du secourisme. Dans le travail d’Olivier Dollinger, Andy est apparu en 1996, a disparu en 2002. L’artiste a suivi des cours, s’est initié aux gestes de réanimation comme on apprendrait une langue pour sauver l’autre. Andy est une peau sans nerf, une surface de projection. Ce n’est ni un pantin, ni une marionnette, s’il acquiert l’épaisseur d’un personnage ce n’est pas d’abord  parce qu’autrui le manipule physiquement. Durant ces années, on pourrait dire qu’Andy a vécu plusieurs vies, pourtant ce serait une facilité trompeuse de langage, un contresens. En fait, Andy est une non-existence, ou plutôt la matérialité d’une absence. Et à travers la relation avec cette absence, il n´y a d´autre à sauver que soi-même. Dans la vidéo Trois jours avec Andy (1996) la caméra offre une captation brute, frontale et fixe de l’action qui se déroule. Dans une salle vide d´un centre d´art, Olivier Dollinger observe Andy, il tente des gestes, des postures, déplace le mannequin, l’embrasse, recours à des gestes de secouristes comme à des citations d’un langage primitif. Cette lente chorégraphie, hésitante, rappelle l’attitude que l’on a parfois lorsque l’on croit reconnaître quelqu’un, qu’on lui adresse la parole sur des banalités sans pour autant oser lui dire directement qu’on la connaît peut-être. Il y a là de l’embarras, de l’incertitude. La performance filmée est un point d’interrogation comportemental. Dans ses mouvements, l’artiste grime par moment les gestes que l’on pourrait avoir avec une personne en chair et en os, pourtant « ça ne marche pas ». 
 
Trois jours avec Andy (1996) est la mise en évidence de cet échec, du disfonctionnement d’un langage qui n’a pas d’adresse. Andy est une énigme. Après cette expérience, le mannequin passe ensuite de main en main dans le diaporama Do Not Refreeze After Defrosting (1996). Olivier Dollinger laisse Andy un moment avec des personnes, chez elles en général, qui doivent lui apprendre quelque chose, une danse, un morceau de musique... Le diaporama de vingt six images (re)constitue l’espace, forcément lacunaire, de la relation. Il est une trace que le spectateur peut peupler de fictions dans le temps imaginé, de l’avant et de l’après prise. Mais la question n’est pas tant de saisir ce qu’Andy « apprend », là encore le centre se déplace. L’intrigue porte sur la fiction pédagogique, sensuelle, mise en place, sur la raison pour laquelle telle ou telle personne a choisi de mettre Andy dans cette position, en particulier. Entre l’objectif photographique et l’individu photographié, Andy est le troisième terme mystérieux qui joue en miroir, défie les apparences et renvoie au final à celui qui regarde la conscience de ce qu’il voit. Dans Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Georges Didi-Huberman écrit : « l’image elle-même joue, se joue de l’imitation : elle ne l’utilise  que pour la subvertir, elle ne la convoque que pour la rejeter hors de sa vue ». Andy est une image en volume qui se joue de la ressemblance et rejouant ainsi les images qui le mettent en scène, révèle aux spectateurs leur grammaire : Andy est aussi bien un leurre relationnel qu’esthétique.  En 1999, Olivier Dollinger filme avec des enfants Andy’s Dream. Ce que dévoilait le diaporama s’affirme ici de manière plus évidente : le comportement adopté dans la relation à Andy révèle en creux l´enfant. Le mannequin devient un révélateur de personnalité. Mais c’est sans doute dans In Waiting (2002) que le stratagème qu’est Andy se manifeste le plus pleinement ; cette vidéo est aussi l’acte de disparition du mannequin. A l’instar de Do Not Refreeze After Defrosting, l’artiste confie le mannequin à des individus dans une salle d´exposition vide mais ce sont là des anonymes, des visiteurs. Dans une petite salle, Andy est à disposition du public. Olivier Dollinger filme les attitudes : un couple le prend comme médiateur de ses caresses, une femme l’embrasse avec rage sur la bouche, certain lui parle, l’observe, d’autres le jettent sur les murs, lui tordent les membres et le cou. Deux jeunes femmes mettent Andy au cœur d’une dramaturgie hystérique, leurs paroles deviennent des borborygmes, elles se jettent sur le mannequin, le frappent avec violence. Regardant ses images d’une cruauté radicale quelques phrases de Georges Didi-huberman viennent à l’esprit :   « Alors, l’enfant se retournera peut-être vers sa poupée. La poupée imite dit-on. C’est bien l’image en miniature d’un corps humain – l’anthropomorphisme par excellence. Pourtant, la poupée n’est pas moins capable, dans les mains et sous le regard de l’enfant, de s’altérer elle-aussi, de s’ouvrir cruellement, de se meurtrir et d’accéder par là-même au statut d’une image bien plus efficace, bien plus essentielle – sa visualité devenant d’un coup la mise en pièces de son aspect visible, sa dilacération agressive, sa défiguration corporelle. J’imagine, en effet, qu’à un moment ou à un autre l’enfant ne peut plus voir sa poupée, comme on dit, et qu’il la malmène jusqu’à lui arracher les yeux, l’ouvrir et l’évider… moyennant quoi elle  se mettra à le regarder vraiment depuis son fond informe ». Lors de la dernière apparition d’Andy, dans In Waiting, la raison de sa présence, de l’ensemble de la série, devient cruellement évidente : Andy est le « fond informe » qui signale la teneur même des relations intersubjectives. A travers sa représentation picturale et filmique il devient un outil de réanimation relationnel. 
 
L’expérience mise à œuvre à travers Andy est en quelque sorte rejouée et déplacée dans un autre film réalisé en 1998 : The Tears Builder. Là le mannequin est vivant, mais son corps de body-builder n’est pas construit selon les codes esthétiques du commun. Lors des premières minutes de la vidéo, ce corps apparaît difforme, en un sens dérisoire. La caméra qui le filme épouse ses gestes, les mouvements des images sont emprunts de physicalité. Au fur et à mesure des exercices que fait l’athlète pour ses muscles, le corps au début quasi-monstrueux acquiert de la sensibilité. Les expressions du visage jouent en contre champ avec la démesure musculaire. Progressivement, le regard du spectateur se retourne en lui-même. L’attitude réflexe de reconnaître ce corps vain est renvoyée à ses présupposés. Les codes sociaux et esthétiques guidant le regard qui d’abord reconnaît sont progressivement renvoyés à leur vacuité. Le temps du film est l’émergence de l’inaliénable singularité d’un corps d’abord perçu comme stéréotypé.  
Mettre en place une dialectique de la perception qui offre l’opportunité, la chance, à une forme singulière d’émerger, qui tente de dire le caractère d’abord énigmatique et original de tout regard porté, telle est sans doute l’une des clés du travail d’Olivier Dollinger. L’artiste procède pour cela par déplacements successifs, inquiète les sujets, les objets, les attitudes en usant de subterfuges, de stratagèmes. Dès ses premières pièces, les vidéos-performances domestiques, cette dimension est présente. Dans En ce moment sur France Info, Quelques blagues carambar, Apocalypse Now, réalisé en 1996 ou Collapse (2000), l’artiste se met en scène en épousant au plus prés une image ou un langage de la société de consommation ou de spectacle. Il reprend alors une musique diffusée simultanément à la radio, lit des blagues Carambar la bouche pleine de caramel, chantonne une comptine pour enfant le micro dans la bouche, ou revêt une tête en peluche Pokémon. Dans ces vidéos au dispositif simple de captation frontale en plan séquence, l’action devient un gag désuet, en soi une impossibilité concrète d’être pleinement coller aux langages ou aux images en circulation, cette manière d’affirmer que l’on ne s’y retrouve pas à prendre les choses au mot. Ces actions mettent à distance le langage commun en signalant le caractère inhabitable de la réalité mais dessinent simultanément l’espace possible de l’expérience, celui que le philosophe italien Giorgio Agamben nomme l’espace du geste : « le geste est toujours geste de ne pas s’y retrouver dans la langue, toujours gag dans la pleine acceptation du terme, qui indique au sens propre ce dont on obstrue la bouche pour empêcher la parole, puis ce qu’improvise l’acteur pour pallier un trou de mémoire ou l’impossibilité de parler ». Dégager le geste en signalant l’imposture du langage commun, tel est aussi le processus mis en partage dans Over Drive (2003). Dans cette installation vidéo, apparaissent de jeunes gens faisant, dans des voitures transformées en caisse de résonance, des concours d’infra base : Sound Leisure Pleisure. La caméra filme au près les visages, les réactions. Les personnages ne font qu’un avec leur voiture, le son qu’ils impulsent. Ils sont tout entiers pris dans l’espace/temps sans épaisseur d’un son que l’on entend presque pas mais qui traverse les corps. La vidéo est projetée dans un espace où sont installées, comme un écho formel, des émetteurs identiques à ceux qui sont dans les voitures des amateurs de S. L. P. Le spectateur vit le film dans des conditions presque analogues à celle de la compétition filmée. Là encore s’opère un glissement, en exagérant l’adéquation entre ce qui est vue et le contexte de la projection, Olivier Dollinger dégage paradoxalement un espace de respiration, dans lequel  le processus de monstration apparaît comme manipulation. Le motif passe alors au second plan, et la structure de la perception se révèle, le langage se dit dans son artificialité. 
 
Le déplacement des codes, des régimes d’identification est constamment à l’œuvre dans le travail d’Olivier Dollinger. Dans Space Off (2002), il demande à un médium de faire une séance de spiritisme à la villa Savoye construite par Le Corbusier. Le visiteur est simplement invité à s’asseoir sur un fauteuil de la villa, peut-être à fermer les yeux, et à écouter la déambulation au gré de l’apparition des esprits. Le langage rationnel de l’architecture est interpellé par la lecture spiritiste de l’espace. Cette ouverture du champ de l’irrationalité, de l’inconscience se retrouve radicalement dans Reverb (le projet Norma Jean), 2003. Là, Olivier Dollinger propose à des actrices hollywoodiennes de rentrer en hypnose et d’incarner le personnage de Marilyne Monroe. Il filme la séance dans un hôtel de Los Angeles, la camera est suave, effleure les corps qui sont plus ou moins en hypnose. «  Le rapport hypnotique consiste dans l’abandon amoureux total à l’exclusion de toute satisfaction sexuelle, écrit Freud. L’état amoureux sans tendances sexuelles directes échappe encore à toute explication rationnelle (…) ». Cette hypnose de groupe peut être une mascarade ou ne l’est pas, peu importe. Là encore, ce que l’on croit être le motif du film est en fait un prétexte, un outil ou un stratagème. Les corps des femmes se donnent à la caméra, et dans cette déprise signalent la puissance incongrue de l’image, la relation de pouvoir qui lie celui qui filme à celui (ou à ce qui) est filmé. Mais dans la monstration, le dispositif est là encore démultiplié. La voix enregistrée qui était sensée avoir hypnotisée les actrices est diffusée dans l´espace d´exposition. Les spectateurs pourraient eux aussi se laisser aller, s´identifier à Norma Jean Baker. Rien de tel ne se produit pourtant, une impression de déstabilisation, d´inconfort envahit plutôt celui qui regarde : ce dernier doit suporter sa position de voyeur, la partager avec les autres qui, eux aussi, regardent. Situation paradoxale puisque le voyeur est essentiellement solitaire. Nous ne regardons rien d´autre qu`une mise en scène où, par le tour de l´hypnotiseur, des femmes s´identifient fébrilement à une icone pop afin de pouvoir être actrice dans un film. Nous même spectateur épousons le seul ròle que le dispositif nous offre, celui du voyeur. Reverb (le projet Norma Jean) est la réverbération de la lumière d´une étoile, ou plutôt le démantèlement en chaìne d´un artifice complexe, d´un leurre nécessaire : la quète d´une identité, la recherche d´un ròle à jouer... "Le monde, tous les corps qu'il contient, manquent à jamais de leur complément en miroir. Ils sont à jamais idiots "...
 
 - Clément ROSSET, Le réel, Traité de l'idiotie, éditions de Minuit p. 42-43
 - Jacques LACAN, Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse, éditions le Seuil, 1966, p.319
 - Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, les éditions de minuit, 1992.  p. 56-57
 - Giorgo Agamben, Moyens sans fins, Notes sur la politique, éditions Payot et rivages, Paris 1995, p.70

 
In monographie Olivier Dollinger « Low Commotion », co-édition Le crédac, Espace Paul Ricard, Galerie chez Valentin, Galerie Skopia, 2005

Le Restif EN

Olivier Dollinger [EN]
by Pedro Morais


Olivier Dollinger’s work demonstrates that identity is always a construction whose parameters are defined by social conventions which are susceptible, conversely, of being destabilised and redeployed by the subject. In this way, the construction of identity is no longer the search for an essence or a founding narrative but a constant unlearn- ing of one’s self and one’s body. This possibility, however, appears beyond the field of his pictures, because Dollinger depicts images taken within a contradictory field of codes, constraints and stereotypes. Early in his career, he placed himself before the camera and carried out acts to the point of exhaustion, adopting constraints that revealed their absurdity. He thus made visible how it is impossible for the body to adjust entirely to the language and images around it while he identified the performative nature of communication. In response to the power of media images to occupy the unconscious and infiltrate the body, he tries to bring out an experience. His performances are less about ‘liberating’ the body of its social encodings than they are about making these encodings explicit and redeploying them. He thus found a double, Andy, a mannequin used in life-saving courses, which gradually took his place. In the beginning, Dollinger pictured this reanimation as being similar to learning a primitive language and locked himself up with Andy for three days in an at- tempt to exhaust every code of gestural communication and enquire into the possibility of using art to ‘animate’ an object. For five years, from 1996 to 2000, Andy was placed in ‘relation’ and at the ‘disposal’ of various people, functioning both to receive their projections and reveal their impulses, until his violent destruction brought the project to a close. Rather than occupying a ‘relational’ role, Andy made it possible to identify the way exchanges, activated by the presence of the camera, are staged. Andy was a neutral body, ‘between two ages and two sexes’, who foretold the questions Dollinger would develop around the construction of identity. While this construction is commonly identified with the teenage years, Dollinger seems instead to start from there to broaden his thinking to the performance of gender, a site of conflicting negotiations between desire and pre-existing representations, the undetermined and stereotypes. Norms around masculinity were destabilised in two performances carried out in empty exhibition spaces and amplified by the neutrality of the set- ting and the individual’s isolation. In Lipstick Wall Drawings (1999), he took a product associated with women seduction, lipstick, and mechanically covered the walls with impressions of his mouth, while in Burning (1999) he asked a young motorcyclist to ‘burn rubber’, thereby devitalising a ritual demonstration of power. The video Tears Builder (1998) was also shown in an empty gallery; in it, a bodybuilder was invited, for an entire day, to carry out the preparations he usually engages in before entering into competition. This ‘constructed body’ distances itself from the conventional criteria for athletic beauty and meets only the internal codes of a new, minority group. It signals the ability of each of us to act independently and reconfigure our identity through the transformation of our anatomy. Dollinger introduces a crack into the formatted gaze of the viewer, enabling this body to become unique by letting its gestures float freely, gradually removed from self-surveillance. While the video Over Drive (2003) expresses a desire to test one’s limits in order to better strip oneself of one’s self, in Reverb (le projet Norma Jean)  (2003) he makes visible the intensity of the inner violence that the need to identify with an image creates. In this video his interest in hypnosis is extended in his work with mediums, conveying the way in which our body is at one and the same time a receiver, broadcaster and translator in our negotiation with various identities, when ‘past and future, near and far intermingle and lose their resolution’1. In Space-Off (2002), he asked a medium to perform a séance at Le Corbusier’s Villa Savoye: the recorded voice disturbs this architectural setting, the product of a rationalist projection that wanted to make the boundaries between the individual and social life transparent. The ghost-like propagation of the sound revealed the irrational tensions and the incoherent contradictions of the modernist program. In Wilderness (2007), sound became a visible material only through its vibration: a song by Joy Division is reduced to low frequencies, causing silver flakes placed on top of the loudspeakers to rise off the surface. He thus reveals the song’s ghost-like structure which, in its reduced state, seems to echo the absent lyrics by Ian Curtis [2]  (‘what did you see there?’). This music without sound, like a person with no identity, makes it possible to identify the subtraction of narrative elements from his recent work: their absence seems to want to confront a world overflowing with signs. Thus, in Global Sunset (2008), a superimposition of fifty images of sunsets taken from the Internet, he short-circuits the power of generic images to over-exploit the collective imagination. The work, he relates, is a ‘memory of various modalities of the image... which crystallise the movement from the era of cinema to television to on-line role-playing [3]. The accumulation of these various ‘commonplaces’ transforms them into non-places and, at the same time, gives to the image a materiality whose beauty becomes completely alien. It is this oscillation which enables Olivier Dollinger’s work to point out perceptual structures, the grammar of representation and the artifice of a shared language. 
 
- 1. Artist quote. 2. Singer of the band Joy Division. 3. Artist quote. 
 
 

In « French Connection », Black Jack édition, Montreuil, 2008

Self Portrait

Interview [EN]

By Claire Le Restif and Olivier Dollinger

 

C.L.R: You are the only “performer” of your first videos : “Apocalypse now” (1996, 6mn), “En ce moment sur France Info…” (At the moment on France Info) (1996, 8mn).

 

O.D: I did indeed train to be an actor. I didn’t go the Art school. I set up a theatre company. At the time I didn’t give shows but what I intuitively called “performances”.  These micro-shows took place on the edge of plays, before or after a show and never on the stage, but around or outside the theatre. 

 

C.L.R: You very quickly understood that what you were doing was not exactly theatre. You knew then only very little about the existence of this kind of artistic language. 

 

O.D: It was indeed about intuition insofar as I am self-taught. I had no knowledge of the existence of this kind of artistic language in Art History. These performances took place a bit on the edges of accepted conventions. Little by little they met with a public more interested in Contemporary Art. This is how I passed from theatre to art.

“Quelques blagues carambar…”(A Few Carambar Jokes…) (1996, 8 mn) : I fill this time with information in a minimalist style performance. With my mouth full of Carambar sweets I try to read a joke until its overdose. These performances are interested in everyday cultural products more than in great narratives and are in this way, by there minimalist set up, similar to certain performances of the sixties and seventies. As a possible space for saying the ultra-thin and ordinary things…

 

C.L.R: Your greatest interest seems to lie in the idea of a body thwarted in its communication. For example “Une souris verte…” (A Green Mouse…” (1996, 1 mn) and “Quelques blagues carambar…” (A Few Carambar Jokes…) (1996, 8 mn).

 

O.D: I tried to create a character close to the figure of the idiot through this series of videos. A character driven up against mass media over-information, at a loss for references to himself and to his environment. A character incapable of situating himself, incapable of making any sense of outside information which disturbs his everyday life. The series is entitled “Les video-performances doméstiques” (Everyday Video-performances). In the video “Une souris vert…” (A Green Mouse) I almost totally swallow a microphone to the back of my throat whilst crooning the nursery rhyme “Une souris verte” (A Green Mouse), a way of taking a tool related to communication to its height, and by this hampering and deforming speech. The information becomes illegible and gets lost, mixed with the hubbub of bodily organs as they work and digest.

 

C.L.R: Your are greatly interested in symptoms. Your photographs from the same period seem to be post-performances, consecutive to action. Your body, your face are always central. There are not yet any outside characters.

 

O.D: To begin with the questions I was interested in could be resumed to : “How should we communicate when we are totally saturated by information?” “What is really communicated behind this ceaseless noise that surrounds us?”

At this same period I made a series of self-portraits (1995, large format – framed as identity photos) all presenting everyday aches and pains which altered my face through its holes, its openings. All my face’s orifices of communication, mouth, nose, eyes, ears were defromed by slight everyday aches and pains.

 

C.L.R: I would like to come back to your reference to the figure of the idiot. Is it as Clément Rosset understands it in Le Réel, traité de l’idiotie (The Real, Treaty of Idiocy) or as Jean-Yves Jouannais considers it in L’idiotie (Idiocy). At the time of your first works moreover, Jean-Yves Jouannais was putting together the exhibition L’Infamie (Infamy). These artists (Saverio Lucariello, Joachim Mogarra, Michel Blazy, Fabrice Hybert, Jean-Baptiste Bruant) have all at one moment taken the risk of putting self-pride to one side, and betting on sarcasm. It was an important moment for Contemporary Art. What was then your position at this time, infamy or idiocy?

 

O.D: Idiocy. It was a possible attitude for me to talk about my political position in the world in general and in art in particular. The real (as an artist) is what we fought with. I think for example of representations that our social cultural patrimony imposes on us that work within us and that we try to re-work, re-organise, re-formulate differently. The real in my work is then linked to a question of identity and its possibilities. I felt closer to idiocy than to infamy, a happy form of resistance I dare to say, a sweet irony, a state that maybe allows us, through nonsense,  to regain a share of innocence when faced with images. 

It is true that in the mid-nineties it became a recognised, official attitude of many artists which was taken on board by the market and institutions.  Therefore I continued to work but in a direction where idiocy was less central to the core of my work, less head-on, more muffled. 

There are  echoes of this in my current work. It is also one of the possible interpretations of an installation such as “Over Drive” (2003, 6mn) which captures and stages the contestants of an SPL competition, a competition which consists of filling a car with powerful sound equipment and staying inside it as long as possible for a few seconds under a volley of decibels. 

 

C.L.R: A central character appears which seems to replace you : “Andy” with the “Resuscitate Andy” kit. Another body that you will act upon. This project lasted five years and is fundamental. This work which is a kind of resuscitation ends with the destruction of the dummy!

 

O.D: The first work with Andy was made in 1995 for a one-man show at Art 3 in Valence where I spent the week before the opening, alone in the space with the dummy. It was a very big and empty space, I made him walk, I talked to him, I sang him songs. The idea was to animate the exhibition space with the weight of what remained in art.

How do we animate art? What do we do with art?

 

C.L.R: The exhibition then consisted of projecting the images of the preceding week in the exhibition space. I think naturally of the work by Joseph Beuys “I love America and America loves me” (1974).

 

O.D: At the time I was represented by a gallery in Luxembourg and I had entrusted my dummy to the gallery owner for the length of the exhibition. He placed it in a corner and did absolutely nothing with it. He let it die. I had given him as instructions “You can do what you want with him!” I found this quite interesting in relation to the workings of the Art market. He told me after the exhibition “I looked at him everyday and I really didn’t know what to do with him!”

 

C.L.R: On the contrary when you offer “Andy” to the public’s disposal, they do not lack imagination! Placed in this loft, filmed behind closed doors, the scenes are by turns sado-masochistic, erotic, violent, disturbing every time. Only one person is kind!

Léa Gauthier qualifies Andy in Le double jeu de l’image (The Double Game of Image) as “a relational lure, a perverse object onto which desires and fantasies are projected.”

 

O.D: Andy is a dummy used in First Aid lessons. What interested me in this object was its status. A contradiction which cannot be exceeded, an object which we continually try to bring to life, an object we set upon in emptiness, something lost in advance, a non sense in some ways inscribed in the very workings of the object. Andy seemed ideal for exploring my interest in the notion of identity. A portable identity kit to explore and experiment the relationship to the Other and the double. I used it as an invested object of fiction. I offered the people I know to take Andy home to do what they want with. One gesture = a photo. I made a very fast and looped slide show, in different decors, atmospheres, emotions and feelings. The dummy became alive but never stopped changing identity, under constant research and infinitely re-adaptable. Then I did a second project where I offered Andy to the pupils of a school as a fictional character to be invested. This resulted in a film, each child invented a mini scenario. For the last stage, I placed Andy at free disposal in an exhibition. Each person could do what they wanted with Andy, in a closed room. They were warned that they were filmed. Most of the visitors fired violence at him in a recurring manner. They showed an incredible violence. The dummy no longer exists, it has been entirely destroyed, which finishes the work in a natural way!

Andy served as a tool for me to question my relationship to the Other, to Art, to the Art market, to exhibition. I could have carried on using it, but its destruction by the public ended the work.

 

C.L.R: Our first collaboration dates from 2000, year where I presented “Collapse” in an exhibition devoted to performance. “Collapse” is a video filmed behind closed doors where you are hiding behind a huge Pokemon head. You chose Pikatchu, the one preferred by children. Big head, little body, close to a puppet. For me this video is a turning point. It is a virtually stopped time, almost a photo. Communication and non-communication, a form of autism. How do we live in this closed space, this world full of threads that go nowhere? This work explores themes dear to you : communication, the puppet-like body, performance.

 

O.D: And also image. Pokemon is a popular image which emerges at a precise moment in the whole world. For me there are virus-images, just like computer viruses. They invade the media space and infiltrate our minds for a time and so also our bodies. 

“Collapse” (30 mn) is a video which holds its breath, in which I experiment the Pokemon state through the most famous of cartoon characters Pikatchu. I experiment a physical state, a state after the show and beneath communication. The over proportioned Pokemon head is a metaphor of the world marketing culture that invades the space of my life.

 

C.L.R:”The Tears Builder” (1998, 30 mn) : an enlarged, blown up body, totally unnatural (a bit like a Pokemon), strolls around the space. “Burning” (1999, 3 mn) : you invite a young man to enter a symbolic place, the “Arts Centre” with his scooter. He sped into the space’s corners, braked and left tyre marks.

“Over-Drive” (6 mn) : people shut themselves into cars.

The three works, three closed spaces address in some way the construction of masculine identity through stereotypes.

 

O.D: Three closed spaces through which the “masculine” attempts to construct itself in a desperate desire for power pushed to the extreme. In “The Tears Builder” this is played out by the mastering of the body, in “Burning” by the mastering of mechanics, and in “Over-Drive”, it is the gallery space which is literally superposed on the psychological space of the competitors. 

 

C.L.R: In “The Tears Builder”, you are no longer on stage.

 

O.D: In the videos you are referring to, the performance has in a certain way become more complex and transferred from my body to those of others. The people invited to participate in my procedures have to re-play their realities in another real. Separated from his environment and usual functions, the bodybuilder’s body fights with its own representation. Presentation and representation are reversed., both for the character and for my manner of filming the action. I am always trying to get very close to the bodybuilder’s breath. This gap, this indecisiveness, which is disturbing for the bodybuilder, allows me to transfer him from an icon of all powerfulness to an icon of vacuity. Both spatial and temporal references waver in these suspended intentions, as the only instruction I gave the bodybuilder was to put himself in the psychological and physical state of mind of the moment before he steps on an exhibition podium. The camera is active, it captures as much as it provokes complex emotions which unsettle the bodybuilder and turn over the spectacular image he is used to.

In these pieces the aim is to fuse together performance and TV reality modes for “The Tears Builder”, performance and experimental film aesthetics in  “Over-Drive”, performance and a certain cinema language in “Le projet Norma Jean” (The Norma Jean Project).

 

C.L.R: In your work you generally choose appearances and faces in the passage from adolescence to adulthood. 

 

O.D: Andy the dummy was also between two ages and two sexes.  According to the lighting he could be as much feminine as masculine. Adolescence is a state between two worlds where everything is possible, where anything can happen, where nothing is defined. It is an unstable state in which the child that we were enters into conflict with the adult we are to become.  It is therefore a time and a space of resistance and anxiety and this is why this time interests me. Like a time where things can be played over and over again.

 

C.L.R: In “Reverb” (le projet de Norma Jean), “Reverb (The Norma Jean Project)”, made for the Crédac, a feminine character appears. The work on image, the closed space, drawn out time, identification, mimicry are all there again. But it is nevertheless a new approach?

 

O.D: There is the same intention of opening up the image, an image that we all carry inside us, of reinvesting it and inhabiting it differently. Contrary to “The Tears Builder” where the length (30 mn) allowed for us to see the character in different states and in this way to crack open the show image, in “The Norma Jean Project” hypnosis is a new element which allows me to reinvest the fixed image differently, a bit like an archaeologist digging up the unconscious in search of the original image which pushed these women into becoming actresses.

 

C.L.R: How did “The Norma Jean Project” come about?

 

O.D: My first idea was to call upon two actresses who belong to European cinema culture : Jeanne Moreau and Anouck Aimée. I wanted to make them re-live certain scenes through hypnosis, certain dialogues through the important roles they have embodied during their careers. The question for me was : how does this collective memory fit with personal memory? But I was more interested in the end in the status of the image and I went to look for the icon : Marilyn Monroe. From there, Los Angeles seemed to me to be the central city of show business where one inhabitant out of three works for this industry. I chose this destination for the making of the project.

 

C.L.R: What was the scenario?

 

O.D : Hypnosis was a means for me to open up the image, to stretch it. The hypnotiser’s voice enters the actresses’ unconscious and slowly juxtaposes two generally separated spaces in the psyche. For a short moment consciousness and unconsciousness, the real and the virtual, open a new space and this psychic space seems to be characteristic of our age to me, where past and future, near and far mingle and loose their resolution, their respective territories.

I chose this room for its specificity. The bed at the end is a platform, like on a stage, that is to say that the most intimate thing, the bed, is already on show. Three spaces exist in the video which only make one, the bed (the wings) the small living room (the stage) and the city of Los Angeles (the theatre hall). These normally closed and independent spaces only make one room here. Through this organisation I am trying to define a new relationship to intimacy taken from its marketed spectacularisation. 

Los Angeles is the biggest image factory. This is where our most intimate representations are made, like those that govern the world. It seemed right to me to re-play these representations at the very heart of the factory and its workers. 

This project therefore also questions as a background, the city of Los Angeles in its relation to show business. The hypnotiser I chose is also a set designer and works at Hollywood. He has notably made sets for Madonna and Marilyn Manson clips. For me, it was in a way as if the show was hypnotising the show…

 

C.L.R: You didn’t organise a casting?

 

O.D: No. Not in the traditional sense of the word. It was not the quality of the acting that interested me, but the way in which they carried Marilyn inside them, the way in which they lived everyday with this iconic character. It was more a conversation rather than a casting that decided my choice. One of them was a fan of Marilyn Monroe and this character sticks to her skin ever since, yet another militates for a better image of the star on Hollywood Boulevard. Anyway each of them had, in some way, a strong link with Marilyn Monroe.

 

C.L.R:  You are behind the camera in the end. Do you or the hypnotiser lead the events? Who directs?

 

O.D: I am more interested in capturing rather than directing. I try in some ways to leave the scene open to the accidents which the space’s architecture, the sound and light events can provoke. As in “The Tears Builder” where the character acted in front of the camera. He was in charge of his own image. The directing is then shared by the different protagonists of the procedure. It is in some ways an “Open Source”, of which each person can appropriate a part.

 

C.L.R: Brought together in the same space, the bodies look for each other sometimes. Nevertheless each seems to be very lonely. Each is turned into itself and not towards others. They expose themselves and yet everything remains very intimate.

 

O.D: The video’s sound track mixes the direct sound of Los Angeles which comes from the traffic on Hollywood Boulevard and the hypnotiser’s voice in the hotel bedroom which slips into the young woman’s psychic intimacy. The sound track therefore juxtaposes urban space and intimate space, so that the two territories are indistinct. The indistinct aspect also comes from the fact that we never know if they are acting or if they are “acted” by hypnotic injunction. We can also read “The Norma Jean Project” in relation to the situation of political power in the United States and more particularly in Los Angeles where Arnold Shwartzeneger is elected governor. Since Ronald Reagan, the United States is moving towards a performance conception of the world. Arnold Shwartzeneger is the ultimate stage of this movement where the barriers between an actor and so fictitious governor and an authentic so real governor are completely effaced. “The Norma Jean Project” therefore points to a whole set of erosions of barriers between the intimate and the collective.

 

C.L.R: “The Norma Jean Project” is shown in a room which possesses all the characteristics of a cinema, without the seats!

 

O.D: The Crédac room was first of all destined to be a cinema and it keeps certain architectural characteristics, a bit like a skeleton of a cinema. I thought of the installation as an echo of this original function, a way also for me of being aware of context and taking into account the place where my work is shown.

 

Ivry-Sur-Seine, October 2003 – June 2005

 

Translation by Anna Hiddleston


 
Public interview between Olivier Dollinger and Claire Le Restif at the occasion of O. Dollinger exhibition at Le crédac, centre d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine.

In monography Olivier Dollinger  "Low Commotion”, co-edited by Le crédac, Espace Paul Ricard, Galerie chez Valentin, Galerie Skopia, 2005

Christine Macel EN

Self Portrait [EN]
by Olivier Dollinger

 

The tears builder, Burning, and Over-drive are three video installations that involve men constructing a relationship with themselves and with the world principally using activities that concern the contemporary identity of the male and his relationship to the mechanical. 

In The tears builder, a body-builder spent a great number of hours wandering around the empty space of a gallery. The camera was put into play between me and the subject in a relationship of interdependency; I used it as much to record as to provoke various excitations in the bodybuilder’s body that were complex enough to destabilize and overturn the spectacular image in which he was captured. The camera’s eye acts as a mediator between itself and the gaze that the bodybuilder returns to the camera, referring also to the mechanics of the spectator’s own gaze, of his own representation of the Other. 

In Burning, an adolescent produces tire-burn marks on the floor of an art center with a scooter for an entire afternoon. In this piece I am working on the transposition of a real situation with the aim of staging the states of tension and emotional violence that alienate the subject in stereotyped representations of the male. The existential freedom in the mechanized movement is metamorphosed in this case into a discharge with no return.

The source of the video installation Over-drive is a film realized on the occasion of an SPL (soud pressure level) contest. This new discipline derives from Tuning, which is turning up a car’s sound system as high as possible so as to achieve the maximum volume of decibels in the car’s cabin. The contestants shut themselves in their cars for a few seconds, protected by anti-noise helmets, and receive the discharge of the sound frequencies that are diffused in the car’s interior to measure the performance of their car’s sound system. The video projected in the installation shows in slow motion and in close-up the contestants’ expressions for the entire length of the ordeal. The video’s soundtrack is composed of the frequencies and the infrabass sounds used by the SPL contestants. Speakers equipped with professional subwoofers emit this soundtrack, whose physicality infiltrates the spectators’ bodies. The buzzing of the infrabass operates at a frequency that makes the viewers’ internal organs vibrate. The power of the sound dispersion and the produced configurations immerse the spectator into the center of the contestants’ psychological space. Their taut faces reveal the future shock of mechanical hybridization while the soundtrack references the phenomenon of the continuous vibrations that animate them.

Each of these installations shows a desire for power in these men, each of whom try to affirm themselves by overcoming the body’s dominion (The tears builder), at times with the power of mechanical (Burning) or technological (Over-drive) means. The ultimate body exists only to stretch its muscles, discharge its violence, or receive the shock of the sound waves. The men, in these installations, measure themselves only against their solitude in a universe where the need for the Other (the exchange) seems to have disappeared. 

In Tema Celeste 98, July - August 2003

Léa Gauthier EN

Grievances in the work of Olivier Dollinger [EN]
by Christine Macel
 

“Andy” by Olivier Dollinger. Olivier Dollinger presents the story of a First Aid dummy, figuring an adolescent, which begins in the arms of different people and finishes dismembered in an exhibition room. Andy reveals several characteristics of the Human race, some of which touch the heart, when others terrify. It would seem that the words of Sigmund Freud addressed to Lou-Andréas Salomé on the eve of the Nazi rising, on the summits of Bertesgaden, that domain which was to become Hitler’s, are confirmed by the destruction of the dummy. In “L’avenir d’une illusion” (Future of an Illusion), following the First World War and his “turning point of 1920” which lead him to rework his visions in a darker sense, Freud still placed all his hopes in Science, failing to place them in religion. Two years later in “Malaise dans la Culture” (Conflict and Culture), his last illusions have faded. Freud describes the unlimited narcissism of the small child, as well as the adult’s wish to retrieve this first narcissism when the barrier between self and object is effaced. It is in this archaic desire that he situates the birth of the feeling of hate and the destructive drive. The hypothesis of the death drive, whose possible victory over the life drive he had tried to minimise, seems now to be confirmed. Freud resolves himself to this and admits its existence and its dangerousness. In this way he concludes in his book : “The decisive question for the destiny of the Human race seems to me to be to know if and how much his cultural development will succeed in mastering the disturbance brought to communal life by the Human will to aggression and self-destruction. In this respect the present age deserves perhaps particular interest. Man has now got so far in his domination of nature’s forces that with the latter’s help it is easy for them to exterminate each other until the last. […] And now it has to be expected that the other of “the two celestial powers”, the immortal Eros, makes the effort of affirming himself in the fight against his just as immortal adversary. But who can presume to know the success and the outcome?” (editor’s translation). Such is, a century later, the gnawing question. Why war? asked Einstein. If the Enlightenment’s reason showed itself to be powerless to counter destruction and hate, if Science can serve the latter without ethics or humanity, what will happen to man at grips with his now revealed double nature? Olivier Dollinger precisely illustrates this question in his works, even as he pricks individual conscience. He forces the visitor to question the nature of impulses which he himself brings to life faced with this apparently innocent game. He incites him to look at the “demonic” force of his own impulses, as if in mirror effect to the video. By this even, he reinforces the idea of a possible free-will despite all determinism, whilst avoiding the pitfall of a moralising or dogmatic work. His representation keeps its strength of exemplification because he does not try and demonstrate, leaving totally alone the public’s interactive process with the dummy. He puts forward the problem of evil in an open fashion, a problem with no way out. Evil is without reason wrote André Green. The soul is simply ill with death.

As André Gide said, it would seem we do not make good literature from good feelings. The same goes to say for Art, which in order to be true must be crude and cruel. Or in the words of Clément Rosset in his “Le principe de cruauté” (The Principle of Cruelty) : “There are no solid thoughts – as moreover there are no solid works whatever the genre (…), only in a ruthless or despairing style. All that aims to diminish the cruelty of truth (..) has for infallible consequence the discrediting of the most genius of enterprises (…)” (editor’s translation) Dollinger’s art indeed reveals the painful and tragic character of existence and in this, cures of illusion and forces the admission of conflicting antagonistic impulses.

 

In addition to the ruthless dialogue of Eros and Thanatos, Dollinger presents the game of projection in human psychic processes based on original narcissism. With “The Tears Builder”, his bodybuilder already appears in confused narcissistic insecurity, alone with his body without the instruments that could justify his hypertrophy. Hesitant, ridiculous, pitiful, this de-contextualised Michelin Man body parades without prey to seduce, without exploit to accomplish. Like a balloon, he deflates for hours, sadly ridiculous.

Andy the dummy constitutes not only a narcissistic object, but also a surface for the projection of child and adult narcissism. Sometimes the latter seem hardly more mature than the very youngest, as if Dollinger wanted to designate our common idiocy. What is projection? Impulse, as such, is directly linked to projection. Projection is a banal and fundamentally idiotic process. Impulse is a constant internal tension. Projection allows for impulse to be released onto an object, in a necessarily projective as external movement. If the object anticipates the subject’s desires the projection proves useless ; whereas in an un-ideal situation there is a projection of the undesirable if not the intolerable. A projective identification also seems possible, where the self projects itself onto an exterior object. Such a process prevents the entry of an understanding of reality as all projection deforms it. In this way the deadlock of perception appears which finds itself overtaken by projection, just as the deadlock of impulse which must satisfy itself yet prevents real or true satisfaction in its very satisfaction. It may even be that projection transforms impulse into perception, opening the way to paranoia and a misunderstanding of the real.

It is these processes, which we are paradoxically unaware of particularly since they are frequent and usual, that burst into daylight in Andy’s story.

 

To conclude, Dollinger shows through the play of projections that we talk more to ourselves than to others. In “Burning” or “Over-drive”, the men are left alone with their mechanical toys, scooter or car, in a total absence of relations with others, or even a state of unreality. “The men through these installations pit themselves in the end against their own loneliness in a world where the necessity of the other (exchange) seems to have disappeared” writes Olivier Dollinger, cruelly describing the reality of these anti-heroes. 

In these absences of speech, Dollinger also reveals a silent language, that which speaks beneath words in emotion. Observed by the anthropologist Edward T. Hall, this “hidden dimension” finds here its true place, more meaningful than words themselves. The gesture replaces the spoken, until it harbours more meaning whilst at the same time allowing for the decoding of the individual’s emotional state. Embrace, caress and compassionate smile with Andy, frown and concentrated look of the aggressive man in his car, open, uncertain eyes of the bodybuilder ; all these signs make up a body language, the closest to impulse. Dollinger’s research has been confirmed  in his recent work “Norma Jean” with the hypnosis of six young Hollywood actresses invited to a session with the aim of re-living Marilyn Monroe’s emotional state before her death. The suffering, seductive or distraught faces of these hypnotised cases speak a silent and violent language which confirms Darwin’s intuition on body language, revealed in 1872 in L’Expression des emotions chez les homes et les animaux (The Expression of Emotions in Men and Animals. This field of investigation, resumed in 1960, undergoes today an important regain in interest, confirming if it were needed that impulse can be read in the body. Freud, as with Charcot in France, had himself sensed this in using the hypnosis technique, before abandoning it for the analytical cure. Proof if needs be, that the pure mind’s intelligence is almost relegated behind man’s animal origins, whose force goes so much beyond it.

Dollinger’s arts incites us in some ways to unlearn how to think. A strange enterprise one could say, but which proves beneficial for those who really try to interest themselves in life, without, as Valéry said, making an “idol” of one’s mind. Dollinger confronts this paradox of contemporary man who, faced with a culture of information privileging pure spirit, must protect himself from an offer and an incitement which could take away from him all capacity to taste life with passion.

 

Dollinger explores human behaviour. He trys to imagine alternatives, but without any real concern for efficiency. Anyway, art does not communicate anything. At best it represents. Contrary to the mythical style which prevailed until Surrealism, Dollinger’s art no longer passes via History. He makes the spectator, who hesitates between the position of Minotaure or of Theseus, between impulse and its domination, write it directly.

Psychoanalysis holds a place throughout his work as a Human Science that Art cannot neglect. A century after its birth, when the art critic has tried to push it away with contempt, it suddenly reappears as a major tool. It has not been popular for a long time as Freud himself predicted in 1938 in London, just before his death. Today, it seems to be enjoying popular recognition as well as a deep metamorphosis with the works of important psychoanalysts such as D.W. Winnicott, André Green, Paul-Claude Racamier or Didier Anzieu who  have redirected their research onto limit-states and psychosis. At a time when Neuroscience is emerging psychoanalysis is also in crisis, something which will no doubt push it towards fascinating developments. The destiny of impulse today seems to be closely linked to this rebound of science which will probably better solve its mystery but is likely to tame it or even  manipulate it to unforeseeable ends. Sixty thousand genes have been decoded to this day, the multinationals fight to buy the most recent patents, confiscating in this way human inheritance which has become no longer an object of metaphysical but capitalist speculation. These mutations will no doubt inspire another art.

So today, and probably tomorrow, the only alternative lies in awareness and individual choice, faced with a reality still as tragic and painful for those who see it as it is. We are left with this, which is not little.

Translation by Anna Hiddleston

In monography Olivier Dollinger  "Low Commotion”, co-edited by Le crédac, Espace Paul Ricard, Galerie chez Valentin, Galerie Skopia, 2005

Above the Lure [EN]
by Léa Gauthier

“Idiots, idiot means simple, particular, unique ; then by semantic extension whose philosophical meaning is of great import, someone devoid of intelligence, to be deprived of reason. Every thing, every person is in this way an idiot as soon as they exist only within themselves, that is to say are incapable of appearing other than where they are and how they are : incapable then, and first of all, of reflecting themselves of appearing as the mirror’s double. But it is finally the fate of all reality not to be able to duplicate itself without becoming other : the image offered by the mirror cannot be superposed onto the reality it suggests. […] The world, all the bodies it contains, are forever missing their complement in the mirror. They are forever idiots.” In Le réel, Traité de l’idiotie (The Real, A Treaty of Idiocy), Clément Rosset highlights a prime paradox of our sensitive relations : if processes of resemblance and identification are imperative in order to make sense, to make the relationship with the self and the world possible, this relationship is immediately distorted  by the primary existence of difference, the impossibility of identity, of suitability.  Processes of identification would therefore be lures. On a larger scale, this necessary lure appears as the earth in which language is rooted ; we can only name if we recognise. Consequently, all inter-subjective relationships also depend on this primary illusion of the possible identity of things. If the symbol refers to the sphere of language and things to that of reality, when Lacan writes “the symbol manifests itself firstly as the death of things” he violently shows the alternative ; to be in a world is to be outside of language and vice versa, but we would not know how to be in the world without language. From this moment on, the richness of all verbal or pictorial language, its inventive force, acts in a constant tension between the consciousness of lying and the affirmation of its necessity.  In this way, Olivier Dollinger evokes the original idiocy of things. His pieces work on impelling a constant dynamic of meaning, they show with humour and cruelty the impossibility of sticking absolutely to representation and indicate the strategies set up through language and behaviour in order to hold this tension above the lure. 

 

Andy is the generic name of a kind of android made for First Aid teaching. Andy appeared in 1996 in Oliver Dollinger’s work, and disappeared in 2002. The artist took lessons, learnt resuscitation gestures as we would learn a language for saving the other. Andy is a skin without nerves, a projection surface. It is neither a puppet nor a dummy, if he acquires the thickness of a character it is not first and foremost because others have physically manipulated him. During these years we could say that Andy has lived several lives, yet this would be an easy deception of language, a misinterpretation. In fact, Andy is a non-existence, or rather a materialised absence. And through the relationship with this absence, there are only ourselves to save. In the video 3 jours avec Andy (3 Days with Andy) (1996) the camera gives a crude, face on and fixed rendition of the action taking place. In the empty room of an Arts Centre, Olivier Dollinger observes Andy, he tries out gestures, positions, moves the dummy around, embraces it, resorts to First Aid gestures as if to quote from a primitive language. This slow, hesitating choreography, calls to mind the attitude we sometimes have when we recognise someone, talk to him about banalities without  daring to tell him directly that maybe we know him. There is embarrassment and uncertainty. The filmed performance is a behavioural question mark. The artist, in his movements, sometimes makes up  gestures that we could have with a flesh and blood person, yet “it does not work”. 3 jours avec Andy (3 Days with Andy) (1996) is the display of this failure, of the dysfunction of a language without addressee. Andy is an enigma. After this experience, the dummy moves from hand to hand in the slide show Do not re-freeze after defrosting (1996). Olivier Dollinger leaves Andy with people for a moment, at their homes generally, and they have to teach him something, a dance, a piece of music…. The slide show of twenty-six images (re) builds the relation’s inevitably incomplete space. It is a trace which the spectator can fill with fictions in the imagined time of before and after the shoot. But the question is not so much to capture what Andy “learns”, here again the centre is displaced. The interest lies in the sensual, educational fiction that is set up, on the reason why such and such a person has chosen to place Andy in this particular position.  Between the photographic lens and the photographed individual, Andy is the third mysterious term which acts in mirror reflection, defying appearances and finally throwing back onto the spectator  the consciousness of what he sees.  In Ce que nous voyons, ce qui nous regarde (What we see, what concerns us), Georges-Didi Huberman writes : “the image itself plays, plays itself with imitation : it uses it only to subvert itself, it calls upon it only to throw it out of its sight.” (editor’s translation) Andy is an image in volume which plays with resemblance and re-plays in this way the images which stage him, revealing their grammar to the spectators. Andy is as much a relational as an aesthetic lure. In 1999, Olivier Dollinger films Andy’s Dream with children. What the slide show revealed is asserted here in a more obvious way. The adopted behaviour in the relationship with Andy reveals the child in convex. The dummy becomes a means of revealing personality. But it is without doubt in In Waiting (2002) that the stratagem of Andy shows itself more fully ; this video is also the dummy’s disappearing act. Following the example of Do not re-freeze after defrosting (1996), the artist entrusts the dummy to people in an empty exhibition room but here they are anonymous visitors. Andy is at the public’s disposal in a small room. Olivier Dollinger films the attitudes : one couple use it as a mediator of caresses, one woman kisses it furiously on the mouth, some talk to him, observe to him, others throw him against the wall, twist his members and neck. Two young woman place Andy at the heart of an hysterical drama, their words become gurglings, they throw themselves onto the dummy, hit it with violence. Looking at these images of radical cruelty a few sentences by Georges Didi-Hubermann come to mind  : “So the child will maybe turn back to its doll. The doll imitates we say. It is well and truly the miniature image of a human body – anthropomorphism par excellence. Yet, the doll is no less capable, in the hands and the eye of the child, of also altering itself, opening itself up cruelly, of bruising itself and acquiring by this the status in itself of a more efficient, much more fundamental image – its visuality becoming suddenly the destruction of its visible aspect, its aggressive de-laceration , its bodily disfigurement. I imagine, in fact, that at one time or another, the child can no longer see its doll, as we say, and that he maltreats it until he tears its eyes out, opens it and empties it…and in return she will start to look at it really from her informal depths.” (editor’s translation) During Andy’s last appearance in In Waiting, the reason for its presence, for the whole of the series, became cruelly obvious : Andy is the “informal depth” which indicates the very tenor of inter-subjective relations. Through its film and pictorial representation it becomes a tool of relational re-animation. The experience at work through Andy is in some ways re-played and displaced into another film made in 1998 : The Tears Builder. Here the dummy is alive, but his bodybuilder’s body is not made according to common aesthetic codes. For the first few minutes of the video, this body seems deformed, in a laughable sense. The filming camera hugs his gestures, the images’ movements assume a physicality. As the athlete does his exercises for his muscles, the first almost monstrous body acquires sensitivity.  The face’s expressions are shot in reverse to the muscular disproportion. Progressively, the spectator turns his gaze into himself. The reflex attitude of recognising this vain body is sent back on its presuppositions. The social and aesthetic codes guiding the gaze which recognises at first, are progressively sent back on their vacuity. The film’s time is the emergence of the indefeasible singularity of a body first perceived as a stereotype. Setting up a dialectics of perception which offers opportunity and chance to the emergence of a singular form, which attempts to show the firstly enigmatic and original character of all given gaze, such is without doubt one of the keys to Olivier Dollinger’s work. The artist proceeds for this in successive stages, disturbs the subjects, the objects, the attitudes in his use of stratagem and subterfuge. This aspect is present from his first works, the domestic video-performances. In En ce moment sur France info, Quelques blagues carambar, Apocalypse now (At the Moment on France Info Radio, A Few Carambar Jokes, Apocalypse now ) made in 1996 or Collapse (2000) the artist presents himself taking on as near as possible an image or a language of consumer society or show business. He therefore reinterprets a piece of music played simultaneously on the radio, reads Carambar jokes his mouth full of toffee, croons a children’s nursery rhyme, or dresses up in a toy Pokemon head. In these simply set up, sequence videos filmed face on, the action becomes an obsolete joke, a tangible example in itself of the impossibility of fully sticking to the languages or images in circulation, that means of confirming that we are unable to take things at their word. These actions place common language at a distance by indicating the uninhabitable character  of reality  but at the same time tracing a possible space of experience, which the Italian philosopher Giorgio Agamben names the space of gesture : “gesture is always the gesture of not being able to find oneself in language, always a joke in full acceptance of the term, then what the actor improvises to compensate for a memory gap or the impossibility of speech.” (editor’s translation)The process of freeing gesture in order to indicate the imposture of common language is also shared  by Over Drive (2003). In the video installation, young people in an infra-bass competition appear in their cars transformed into sound boxes : Sound Leisure Pleasure. The camera films faces and reactions in close up.  The characters are as one with their car, the sound they pulsate. They are totally caught up in a space/time without thickness, of a sound we can hardly hear but which passes through the body. The video is projected in a space where identical transmitters to the ones in the amateur S.L.P’s cars are installed as a formal echo. The visitor experiences the film in almost analogous conditions to the filmed competition. Here again a shift takes place. By exaggerating the suitability of what is seen and the context of the projection, Olivier Dollinger paradoxically frees a breathing space in which the demonstrative process appears as manipulation. The motif is pushed to the background and the structure of perception is revealed, language is spoken in all its artificiality.

The transfer of codes, of identification forms is constantly at work in Olivier Dollinger’s pieces. In Space off (2002) he asks a medium to do a spiritualism session at the Villa Savoye built by Le Corbusier. The visitor is simply invited  to sit in one of the villa’s armchairs, maybe to close his eyes and to listen to the movements according to the apparition of the spirits. The rational language of architecture is questioned by the spiritualist reading of the space. This opening up of a field of irrationality, of unconsciousness can be radically found in Reverb (Le projet de Norma Jean) (Reverb (The Norma Jean Project)), 2003. Here, Olivier Dollinger asks Hollywood actresses to enter hypnosis and to embody the character of Marilyn Monroe. He films the session in a hotel in Los Angeles, the camera is smooth, touching upon the more or less hypnotised bodies. “The hypnotic relationship consists of a total amorous abandonment excluding all sexual satisfaction, wrote Freud. The amorous state without direct sexual tendency still escapes all rational explication (…)” (editor’s translation) This group hypnosis may be a masquerade or may not, it is not important. Here again, that which we believe to be the film’s motif is in fact a pretext, a tool or stratagem. The women’s bodies give themselves up to the camera and in this letting go indicate the incongruous power of the image, the power relationship which links he who films to he who (or that which) is filmed. But in the showing, the set up is then again reduced. The recorded voice which is supposed to have hypnotised the actresses is broadcast in the exhibition space. The visitors can also let themselves go, identify with Norma Jean Baker. No such thing happens however. An impression rather of unsettling, of discomfort overwhelms the person who looks : the latter must bear his position as voyeur, share it with the others, who also look. A paradoxical situation as the voyeur is fundamentally alone. We are looking at nothing more than a staging where, by a hypnotiser’s trick, women feverishly identify with a pop icon in order to act in a film. We ourselves as spectator take on the only role the set up offers us, that of the voyeur. Reverb (le projet de Norma Jean) is the reflection of a star’s light, or rather the chain destruction of a complex artifice, of a necessary lure : the quest for an identity, the search for a role to play… “The world, all the bodies it contains, are forever missing their complement in the mirror. They are forever idiots.”

Translation by Anna Hiddleston

In monography Olivier Dollinger  "Low Commotion”, co-edited by Le crédac, Espace Paul Ricard, Galerie chez Valentin, Galerie Skopia, 2005

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